Ce mardi 24 avril 2018 au matin, la Commission Centrale de Sécurité (CCS) [1], composée, entre autres, d’un membre de la mairie, d’un policier et d’un sapeur-pompier, est venue inspecter le Bercail. La Commission était accompagnée pour l’occasion d’un représentant du maire, du vicaire, de la déléguée diocésain, mais également d’un trésorier. Il en ressort que la commission qualifie le Bercail d’« hôtel » recevant plus de 19 personnes et que ce lieu de vie pourrait ne pas répondre aux normes drastiques de sécurité.
Les membres des différents collectifs réfutent ce qualificatif d’hôtel. D’abord parce que le bâtiment reste avant tout un lieu de culte avec son presbytère. Ensuite, sa capacité d’accueil n’étant pas de 300 personnes, l’établissement ne peut relever des Établissements Recevant du Public (ERP), et n’a donc en aucun cas à répondre à cette réglementation. Enfin, les résidents, anciennement à la rue et sur place depuis le 6 avril 2018, sont dans une démarche de stabilisation sur le long terme. Pour toutes ces raisons l’établissement doit désormais être considéré comme un immeuble à usage d’habitation exclusive et principale.
Récemment, l’élu départemental Olivier Lebreton déclarait à propos des risques encourus par les mineurs isolés étrangers : « Ces jeunes, perdus à cause de drames familiaux, sont vite la proie de réseaux de drogue, de prostitution [2] ». On peut se demander pourquoi cette déclaration ne s’applique pas également aux hommes et femmes seul-e-s ainsi qu’aux familles laissées dans la rue.
Encore une fois, l’État et ses représentants locaux, plutôt que d’assumer leurs responsabilités, à savoir loger de façon digne, pérenne et stable les personnes à la rue, préfèrent accuser les collectifs de mettre des vies en danger en réquisitionnant un grand bâtiment vide appartenant à l’Église qui se dédouane également de ses convictions : « L’avenir d’un monde global est de vivre ensemble. […] Cet idéal requiert l’engagement de construire des ponts, tenir le dialogue ouvert, continuer à se rencontrer » (Pape François, dimanche 11 mars 2018 à Rome).
Dans ce climat d’incertitude, il est difficile de savoir ce qu’il adviendra des personnes qui ont trouvé un refuge au Bercail. Le Conseil d’État a consacré, dans une décision du 10 février 2012, le droit à l’hébergement d’urgence des personnes sans-abri, comme une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de justice administrative. En fomentant l’expulsion à venir des habitants de l’ancienne église Saint-Libert, les institutions violent les libertés fondamentales.