Loi Sécurité Globale : le DAL dénonce un accablement contre les « sans toit » et une atteinte à la liberté de manifester

Dans un communiqué, la fédération Droit au Logement (DAL) dénonce l’une des dispositions de la proposition de loi « sécurité globale », qui criminalise les occupants sans titre de locaux vacants industriels, commerciaux, agricoles, professionnels, mais aussi les occupations militantes et syndicales.

L’article 1bis A de loi sécurité globale, voté par les deux chambres et validé par le gouvernement, aggrave la criminalisation des sans logis dont le droit à l’hébergement jusqu’au relogement est violé et qui, par nécessité, s’installent dans des locaux vacants ; il réprime l’occupation de locaux en activité par les salariés et les occupations militantes de dénonciation.

L’occupation par des sans logis d’un local vacant, professionnel, commercial, agricole ou industriel, serait soumis aux sanctions prévues dans les cas d’occupation du « domicile d’autrui » par l’article 226-4 du code pénal, assimilant les locaux d’activité à un domicile. Il en serait de même pour l’occupation de leur lieu de travail par les salariés, l’occupation des amphis par les étudiants, des écoles par les parents d’élève et les enseignants...

Sont concernées également les occupations ponctuelles, à caractère militant, conduites par des associations et collectifs citoyens, ayant pour objet de dénoncer et faire connaitre publiquement des activités dangereuses, illicites, polluantes…

Les sanctions sont triplées et sont portées à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende. Sournoisement, le gouvernement s’attaque à un mode d’action et de dénonciation essentiel du mouvement social. Introduit par un sénateur LR, soutenu par Daubresse, ancien ministre du logement de Chirac, l’article autorise la police municipale à retenir les occupants, jusqu’à l’arrivée d’un agent de police judiciaire ou à les lui livrer, afin d’engager des poursuites.

Article 1er bis A de la « proposition de loi pour une sécurité globale »
I. – Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».
II. – En cas d’introduction dans un local professionnel, commercial, agricole ou industriel, en violation flagrante de l’article 226-4 du code pénal, les agents de police municipale en rendent immédiatement compte à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ l’auteur de l’infraction ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle.

Art. 226-4 code pénal : L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

Cet article validé en commission mixte paritaire pourrait être applicable courant mai, après passage de la loi pour validation jeudi [15 avril] à l’Assemblée puis devant le Conseil Constitutionnel saisi par la gauche parlementaire.

En ce qui concerne les occupants sans titre, le gouvernement et des parlementaires continuent à s’acharner sur les sans logis, tandis que le nombre de logements vacants augmente sans cesse [1], sous les yeux des sans abris de plus en plus nombreux.

Comment s’étonner que certains, pourtant peu nombreux, suivant l’exemple de l’Abbé Pierre et de nombreux mouvements de défense des sans toit passés et présents, s’installent dans des locaux et logement vacants ? Les associations qui les soutiennent sont évidemment visées.

Parmi les victimes potentielles de cet amendement vicieux et cruel, tous les occupants de locaux désaffectés, occupants de terrain sur lequel est érigé une construction, occupants de bidonville, ouvrier agricole réfugié dans une cabane de vigne, artistes, alternatifs, sans abris… seront passible de prison ferme et d’une lourde amende et de fait expulsés sur le champs.

À l’aggravation de la crise du logement, à la saturation des dispositifs d’hébergement, à l’engorgement de la demande logement social, à la hausse constante des expulsions locatives, le gouvernement et les parlementaires ne savent répondre que par une répression accrue des occupants sans titre, comme s’ils les assignaient à finir leur vie sur un trottoir, ou mieux encore dans les recoins invisibles de la ville. Les squatters sont devenus victimes expiatoires de politiques du logement désastreuses. Deux poids deux mesures, car si la loi oblige l’État à héberger toute personne sans-abri en détresse, elle est violée constamment et impunément.

Loin de s’arrêter aux sans abris, cet article a une portée politique bien plus large, puis qu’elle réprime aussi l’occupation de tout local professionnel en activité. Ainsi, serait réprimée pénalement l’occupation de leur lieu de travail par les salariés, de leur fac par les étudiants, de leur lycée par les lycéens, de leur école par les parents d’élève et les enseignants… Une lourde atteinte à la liberté de manifester et au droit de grève. Les actions militantes d’occupation ponctuelles pour dénoncer les pollueurs, les délinquants de la finance et autres prédateurs de l’humanité et de la planète seraient aussi réprimées.

Nous demandons l’abrogation de cet article scélérat !

Illustration : occupation d’une usine par les grévistes lors de la grève de 1936.

Notes

[1Selon l’INSEE, la France comptait 3,1 millions de logement vacants en 2020. Plus de 300 000 personnes sont sans abri.