Opération « Bac noir » : dans les lycées de Tours, une rentrée marquée par les blocus

Alors que les cours en présentiel ont repris cette semaine dans les lycées, les élèves de plusieurs établissements tourangeaux se sont mobilisé-es les 6 et 7 mai à l’appel de syndicats pour « imposer [leur] voix face au Ministère » au cours d’une opération « Bac noir ».

Dès 6h30 ce jeudi 6 mai, au lycée Paul-Louis-Courier, une petite dizaine d’élèves empilent poubelles et barrières devant la grille dans le but de créer un barrage filtrant, laissant la voie libre aux seul-es étudiant-es de BTS pour lesquel-les des épreuves étaient prévues ce matin-là. Parti-es à 8h30 pour rejoindre les élèves mobilisé-es devant le lycée Balzac, ils et elles reviendront accompagné-es de près de 200 personnes vers 10h, puis marcheront en direction de la place Jean Jaurès pour faire entendre leurs revendications. Près de 350 lycéen-nes étaient alors rassemblé-es dans le centre-ville de Tours, venu-es des lycée Victor Laloux, Descartes, Jean Monnet, Balzac et Vaucanson.

Au même moment, au lycée Grandmont, les lycéen-nes mobilisé-es ont réussi à obtenir un entretien avec le proviseur, qui leur a assuré qu’il ferait remonter leurs revendications au rectorat.

Du côté du lycée Victor Laloux, les élèves en bac professionnel Photographie ont négocié un délai supplémentaire pour rendre leur portfolio et une diminution de moitié du nombre de photographies exigées.

La mobilisation s’est poursuivie ce vendredi 7 mai dans les lycées Balzac, Thérèse Planiol et Paul-Louis-Courier, où la police nationale est intervenue vers 8h, demandant aux bloqueurs de laisser la voie libre, « en nous poussant allègrement au passage » selon un-e élève présent-e sur place. « La flic nous a dit que son fils allait en cours, qu’il séchait pas, et qu’on se plaignait de pas être préparés mais qu’on séchait ».

Des lycéen-nes victimes d’une « gestion calamiteuse » de la crise, selon les syndicats

En plus des programme inachevés, des inégalités face aux cours en distantiel (mauvaise connexion, équipement et espace de travail inadaptés, forfaits internet coûteux, manque de calme dans les logements...) et du stress lié aux changements constants, des cas de COVID seraient apparus dans les classes du lycée Paul-Louis-Courier sans que ni l’administration ni la direction ne communiquent sur le sujet : « Il y en a eu un [dans la classe], mais on a jamais eu d’infos de manière officielle », raconte un élève de Terminale.

Au lycée Jean Monnet de Joué-les-Tours, l’hybridation (c’est-à-dire l’alternance entre une semaine de cours en présentiel et une semaine de cours en distantiel) a été mise en place mais, selon une élève de Terminale, « on reste 35 par classe ».

Des inégalités existent également entre les établissements qui assurent 100% des cours en présentiel et ceux qui ont mis en place un système de demi-jauge. Selon la pétition lancée par l’UNL, « certains lycées et certaines classes ont pu acquérir beaucoup plus de connaissances, de cours et d’entraînements que d’autres ».

Quant aux épreuves du baccalauréat, ce jeudi avaient lieu celles d’EPS pour certain-es lycéen-nes. Un élève de Terminale au lycée Paul-Louis-Courier, qui a dû passer son épreuve en plein blocus et ce malgré son implication dans l’organisation de celui-ci, explique qu’elles n’ont pas été suffisamment préparées : « Avec le Covid, plein de sports ont sauté car pas praticables dans le cadre de la distanciation sociale. Tu rajoutes à ça une semaine sur deux en présentiel et tu te retrouves avec littéralement deux fois moins de temps pour préparer ton bac de sport ».

Un-e autre élève, dont les épreuves de sport se tenaient également pendant le blocus, tient le même discours : « On a dû avoir deux ou trois séances il y a très longtemps [...] puis on a eu le reconfinement, avec cours en distantiel, puis les vacances ».

Sur le plan psychologique, aussi, ces conditions d’études sont difficilement supportables pour les élèves. L’UNL l’affirme, « la situation stressante et psychologiquement épuisante dans laquelle nous sommes tous plongés ne permet pas une concentration optimale sur les échéances de ces examens ». A Tours, les lycéen-nes exigent un accompagnement psychologique pour les élèves en décrochage.

Du côté du Grand Oral, les Terminales l’assurent, ils et elles n’y sont absolument pas préparé-es. Cette nouvelle épreuve du baccalauréat, apparue avec la réforme du bac et coefficientée à 10 en voie générale et 14 en voie professionnelle, exige des élèves qu’ils et elles travaillent, et ce depuis la classe de Première, sur deux sujets de leur choix. Faute de cours leur permettant d’assimiler la méthodologie, l’épreuve n’a pas pu être anticipée correctement. En conséquence, certain-es élèves mobilisé-es demandent à n’avoir à préparer qu’un seul sujet, et d’autres l’annulation pure et simple de l’épreuve.

Les élèves de lycée professionnel, quant à elles et eux, devaient trouver deux stages (le premier en octobre, le deuxième en mars). Cela s’est avéré mission impossible étant donné la fermeture des restaurants, des hôtels ainsi que des commerces « non-essentiels » et le passage au télétravail dans certaines entreprises.

Campagne de l’Union nationale des lycéens (UNL) pour l’opération "Bac noir"

Parmi les revendications des lycéen-es mobilisé-es, des sessions de rattrapages accessibles aux Terminales qui n’auraient pas validé le baccalauréat en contrôle continu, le statut prioritaire des élèves et du personnel pour les vaccinations, ou encore l’annulation des épreuves au profit du contrôle continu. Mais, selon l’UNL, cet aménagement ne serait pas suffisant compte tenu des inégalités entre les établissements et entre les élèves avec, d’un côté, celles et ceux qui ont disposé, tout au long de l’année, d’un accès à Internet et d’un espace de travail adapté et, de l’autre, celles et ceux qui, faute de moyens, n’ont pas pu profiter des équipements numériques indispensables au suivi des cours en distantiel.

La mobilisation des lycéen-nes a déjà amené Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, a aménager la majorité des épreuves du baccalauréat : le contrôle continu représente la quasi totalité de la note finale et il a annoncé, il y a quelques jours, que seule la meilleure note entre celle de l’épreuve finale et celle du contrôle continu sera retenue pour les épreuves de philosophie. Le Grand oral, lui, est maintenu.

L’UNL a donc annoncé, ce vendredi via un communiqué de presse, une opération « marée noire » lundi 10 mai : « Ce jour-là, la jeunesse prendra massivement la rue et se fera entendre ».

Photo : @lesyeuxrougestours (Instagram).