Le lundi 26 avril, les élèves des écoles sont rentrés en classe. Masqués pour les élémentaires, démasqués pour les maternelles. Un petit courrier de Jean-Michel Blanquer dans les boites mails des enseignants, deux jours avant le grand bain. Et dans cette lettre, un nombre éhonté de mensonges, d’approximations et de fausses promesses, qui démontrent encore une fois la méconnaissance totale du terrain et de ses réalités de la part du ministère en charge de l’éducation.
Une moindre contagiosité des enfants
« Nous prenons cette décision en conscience : de nouvelles études scientifiques ont confirmé une moindre contagiosité des enfants et un risque faible qu’ils développent de formes graves. » En tant qu’enseignante, je suis ravie de savoir que les études scientifiques récentes disent la même chose que les précédentes. Cela fait des mois qu’on nous serine que les enfants sont moins contagieux. Il n’empêche que chaque jour dans nos classes nous devons déclarer des cas. Le nouveau protocole (le 27ème peut-être depuis le début de la pandémie) prévoit la fermeture des classes dès qu’un cas positif est confirmé et précise qu’il est interdit de mélanger les élèves issus de classes différentes. En cas d’absence d’un enseignant, on nous demande de confier ses élèves à des personnels disponibles dans les écoles. Mais les seuls personnels disponibles sont ceux qui travaillent quotidiennement auprès de nous, services civiques, employés municipaux ou agents techniques, qui n’ont ni la formation, ni la rémunération, ni même l’autorisation légale de gérer un groupe de plus de vingt élèves.
Aérer, purifier, respirer
« Je tiens d’ailleurs à signaler le travail important qui a été mené ces dernières semaines en lien avec les collectivités territoriales : il permettra notamment de déployer des capteurs de CO2 et des purificateurs d’air dans un grand nombre d’écoles et d’établissements scolaires. » J’attends de rencontrer un collègue qui aurait obtenu l’installation de tels dispositifs de contrôle de qualité de l’air. Ceux qui ont un capteur dans leur classe l’ont acheté sur leurs deniers personnels. En attendant que les collectivités locales exsangues financièrement puissent installer ces dispositifs, nous nous contentons de travailler les fenêtres ou les portes ouvertes, avec des pulls supplémentaires, et le bruit de la rue qui s’invite dans les classes. Le ministre nous conseille vivement d’ailleurs de découvrir les joies de la pédagogie de plein air. « Les classes en plein air sont bénéfiques sur le plan sanitaire, et elles le sont aussi sur le plan éducatif. À cet effet, des ressources seront mises à votre disposition. » J’attends encore les ressources qui me permettraient peut-être de comprendre comment faire cours à l’extérieur, quand les aléas quotidiens recouvrent les allergies au pollen, le vent, la pluie, le couloir aérien assez fréquenté qui passe au-dessus de l’école, l’absence d’arbres et donc d’ombre dans la cour, les travaux de canalisations du boulevard…
Le dépistage de masse
« Des autotests seront distribués à tous les personnels des écoles ainsi qu’aux ATSEM à compter du lundi 26 avril et jusqu’à la fin de l’année scolaire : ils pourront ainsi se tester deux fois par semaine. » Les autotests sont arrivés dans mon établissement vendredi 7 mai, soit deux semaines après la réouverture des écoles. Car ils ont d’abord été distribué dans les établissements du second degré qui n’ont rouvert que le 3 mai. Et accessoirement, chaque enseignant a reçu 5 autotests. Soit de quoi tenir deux à trois semaines si aucun n’est défectueux. Les vacances d’été sont dans 8 semaines… Autre petit détail, les AESH [1] et les services civiques qui quotidiennement accompagnent les élèves n’ont pas été comptabilisé dans les effectifs des équipes. Je n’évoquerai pas non plus la stratégie vaccinale, qui a permis pour le moment de vacciner 15 000 enseignants. Je n’en connais aucun.
Je me contenterai de laisser le ministre conclure par ses propres mots, ses propos reflètent plutôt bien mon ressenti quant à la gestion de ses personnels, des élèves et des familles. Et une fois n’est pas coutume, il faut parfois reconnaitre quand un ministre dit la vérité. « Je n’ai eu de cesse de l’affirmer : la première force de notre Éducation nationale réside dans l’implication de ses personnels, tous mus par la volonté de construire l’avenir de nos enfants et de notre pays. Face à une situation qui exige de constantes adaptations, ce qui est inévitable mais souvent difficile, vous le prouvez chaque jour, de la plus belle des manières. »
Deca