En décembre 2015, la chambre régionale des Comptes Centre-Val de Loire rendait son rapport d’observation sur la gestion des transports par l’agglomération (Tour(s)plus), et en particulier sur la mise en place et sur le coût du Tramway [1]. Elle révélait, outre le coût exorbitant de la ligne tourangelle, toutes les difficultés qu’aurait la communauté d’agglomération à supporter le prix d’une seconde ligne. De quoi doucher les espoirs de nombreux décideurs politiques. Pourtant, à droite comme à gauche, la seconde ligne de tramway (quand ce n’est pas plus encore [2] !) figure dans tous les programmes. En février dernier, les élus des 22 communes de l’agglomération ont fixé le schéma d’organisation des transports, et le tracé est pour certains élus déjà bien fixé [3].
Une première ligne qui dépasse les espérances...
Ce que commence par souligner la chambre régionale des comptes dans son analyse sur la gestion des transports de l’agglomération (2010-2014), c’est que la première ligne du tramway a été un projet particulièrement mal mené. Le coût initial de 369,1 millions d’euros a été largement explosé, pour atteindre 441,7 millions, soit un dépassement de 19,7 %, ce qui place le projet tourangeau en tête de tous les dépassements.
Mieux encore, ce projet en fait le tramway le plus cher de France, avec un coût au kilomètre de 29,42 millions d’euros (contre 17 à Besançon, 20,8 à Brest, 21 à Dijon avec deux lignes...). A Tours, une seule ligne, 14,8 kilomètres... et près de 30 % de coût en plus ! Mais il faut bien tenir l’image de la ville, assurer la concurrence avec Orléans, l’autre capitale.
Et comme tout cela il fallait bien le financer, la chambre des comptes analyse aussi le coût des crédits. En prenant en compte les charges financières induites par le financement du projet, le coût total du tramway n’est plus de 441,7 millions, mais il s’élève à plus de 638 millions d’euros.
« Certes, les taux de fréquentation sont encourageants et témoignent d’un véritable engouement, mais il n’en reste pas moins que, sous un angle purement financier, le coût final de l’équipement apparaît élevé. »(p. 28 du rapport).
Une paille...
Les dépenses d’investissement (soit la réalisation du tramway) ont été financées à 67,9 % par l’emprunt (300,1 millions d’euros). L’encours de cette dette du budget annexe transport représente 69 % de la dette totale de Tour(s)plus. La Chambre insiste en particulier sur la dégradation des capacités d’autofinancement du budget principal de Tour(s)plus. En intégrant le SITCAT, l’encours de la dette de Tour(s)plus a été multiplié par 3,6 et est passé de 116,6 millions d’euros à 420,8 millions d’euros entre 2013 et 2014.
Le budget transport en est naturellement responsable (du fait du tramway), sa dette a connu une très forte progression passant de 12,5 millions d’euros en 2010 à 308,52 millions d’euros en 2012, et 302,17 millions d’euros en 2013. La capacité de désendettement de Tour(s)plus [4] (budget complémentaire transport) passe de 0,8 année en 2010 à 75 ans en 2013.
Bref, un tramway nommé désir... et qui nous coûte cher.
Un rapport très défavorable à une seconde ligne
La chambre régionale des comptes ne cache pas son hostilité à la construction d’une seconde ligne. A ce sujet, certains extraits du rapport sont très clairs :
« Compte tenu de cette situation, la chambre estime que la maîtrise des dépenses dans leur ensemble : charges de fonctionnement comme d’investissement, doit être à l’ordre du jour. A cet égard, elle invite la communauté à s’interroger de manière rigoureuse sur la mise en œuvre de nouveaux projets, en particulier de lignes de tramway supplémentaires. Ses finances ne sont pas aujourd’hui en mesure de supporter de tels investissements. » (p. 25 du rapport).
« Il apparaît que compte tenu de la part importante de la dette et de la baisse de l’épargne, la mise en œuvre de nouvelles lignes de tramway ne paraît pas pouvoir être à l’ordre du jour. »
Si globalement la ligne connaît un bon niveau de fréquentation, la performance commerciale du réseau bus et tram en 2013 était inférieure de 4,1 % par rapport au prévisionnel (24,3 millions de voyages contre 25,3 millions prévus). Bien sûr, pour le délégataire et la communauté d’agglo, ces mauvaises performances étaient dues à des dysfonctionnements de la« billettique » et... aux nombreuses grèves de 2013. Le mouvement social a bon dos !
Dernier élément qui froisse aussi la Chambre des comptes : les principaux outils d’analyse viennent du délégataire de service publique (DSP) auquel Tour(s)plus a confié la gestion technique des transports (Kéolis, une filiale de la SNCF). Sans remettre en cause le sérieux des chiffres que ce délégataire fournit, la chambre indique que les élus ont encore sérieusement à « mieux contrôler la gestion du délégataire et réellement piloter la DSP ». Dans les faits, malgré la mise en place d’une assistance maitrise d’ouvrage, la communauté d’agglo ne contrôle le délégataire que sur des documents fournis par... le délégataire [5]
Des élus toujours au taquet...
Malgré tout cela, il est bien difficile de trouver des propos discordants parmi les décideurs locaux. Ce rapport de la chambre des comptes n’a d’ailleurs pas véritablement été relayé par la presse locale [6] et la communauté d’agglo a attendu mi-avril 2016 pour produire un document de synthèse de ce rapport afin, notamment, de donner aux élus un certain nombre d’éléments pour contrer les analyses de la chambre et des éventuels opposants à une seconde ligne...
Ainsi de souligner que le rapport n’est pas très juste quant à la question de la seconde ligne : il ne prend pas en compte l’importance des gros travaux d’infrastructure sur les bâtiments de maintenance notamment (qui ne seront pas à refaire pour une seconde ligne) ; il ne rappelle pas que la première ligne a nécessité l’achat important de foncier (parce que la seconde ligne elle, elle ne le nécessitera pas sans doute ?) ; il ne tient pas compte des baisses des taux d’emprunts liés aux différents prêts déjà réalisés et qui seront à réaliser. L’espoir de renégocier la dette fait vivre... notamment Philippe Briand.
De plus, pour celui-ci, « la logique de service d’une deuxième ligne de tram serait de relier la place Jean Royer aux Fontaines en arrivant ensuite à l’hôpital Trousseau. Une deuxième branche pourrait relier le Pont de pierre en passant par la faculté des Tanneurs à l’hôpital Bretonneau » (La Tribune, mai 2016). Il n’est pas certain que ces parcours soient du goût de tous les élus...
Bref, au vu de tous ces éléments, l’annonce d’une possible annonce par Frédéric Augis rentre parfaitement dans le thème de la nouvelle campagne publicitaire lancée par Fil Bleu : « une rentrée gonflée ».