Quand les paysans d’Indre-et-Loire luttaient contre la LGV Tours-Paris

Alors que la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux a été inaugurée au cours de l’été 2017 et que les résistances aux grands projets d’aménagements se multiplient, retour sur deux épisodes de la lutte contre la construction de la ligne grande vitesse entre Tours et Paris.

« La guerre du T.G.V. se rallume à Vendôme : face à face houleux entre paysans et gendarmes ». Le 29 novembre 1983, des agriculteurs venus d’Indre-et-Loire et d’Eure-et-Loire rejoignent leurs collègues du Loir-et-Cher sur le territoire de la commune de Naveil, près de Vendôme. Objectif : s’opposer aux relevés topographiques effectués par la SNCF pour le passage de la ligne à grande vitesse qui doit desservir l’Ouest de la France.

Dans les champs, soixante gendarmes mobiles ont été déployés pour protéger les géomètres. Le face-à-face entre paysans et gendarmes va durer toute l’après-midi. Quand l’ordre est donné de disperser les manifestants, « les grenades lacrymogènes ont (...) commencé à pleuvoir comme jamais en Vendômois ». Les paysans tenteront même d’empêcher la voiture des géomètres de repartir.

En Indre-et-Loire et dans le Loir-et-Cher, de nombreuses communes avaient décidé de boycotter le processus d’enquête publique. L’opposition exprimée n’avait pas empêché la commission d’enquête de déclarer le projet « d’utilité publique » en septembre 1983. De toute manière, il s’agissait d’une décision « personnelle » de François Mitterrand... [1]

« Violents incidents à Vouvray entre viticulteurs et forces de l’ordre »

Cette « guerre » du TGV connaîtra un nouvel épisode à Vouvray en 1984. De nouveau, c’est la présence de géomètres venus procéder à des relevés topographiques qui met le feu aux poudres. Les viticulteurs craignent les effets du passage du TGV sur leurs vignes et leurs caves, tandis que la SNCF étudie différents tracés.

Le jeudi 17 mai au matin, 80 gendarmes mobiles escortent les ingénieurs chargés d’effectuer des relevés. Une quinzaine d’agriculteurs leur font face. Au cours de la matinée, un viticulteur utilise son tracteur pour asperger les gendarmes d’un mélange soufré qui les oblige à se replier. Des affrontements surviennent, au cours desquels un agriculteur a le poignet fracturé, et le conducteur du tracteur est embarqué dans les locaux de la gendarmerie.

Gaz lacrymogène à Vouvray

Une quarantaine de viticulteurs se retrouvent devant la gendarmerie pour réclamer la libération de leur camarade, et bloquent la N152. Les gendarmes chargent « à la grenade lacrymogène et à la matraque », sous les huées des habitants de la commune. A la fin de la journée, on comptera deux blessés dans les rangs des manifestants, et deux dans les rangs des gendarmes. Le conseil municipal de Vouvray, réunit en séance extraordinaire, rédige un communiqué qui dénonce « l’attitude violente et démesurée des forces de l’ordre au cours de la journée ». Un adjoint et plusieurs conseillers municipaux ont été jetés à terre.

Cette lutte n’aura pas été vaine, puisque les viticulteurs obtiendront de la SNCF qu’elle mette en place un dispositif technique évitant que des vibrations viennent perturber la vinification dans les caves. La résistance contre cette ligne à grande vitesse se poursuivra jusqu’à son inauguration en 1989 : la gare du Mans sera bloquée par des cheminots protestant contre les tarifs du TGV le jour de la première liaison depuis Paris ; au journal télévisé, le présentateur évoque « une manifestation du côté de Saint-Benoît, et des arbres [qui] seraient sur la voie ferrée ».

Ces résistances en évoquent d’autres, plus récentes, à Bure ou à Notre-Dame-des-Landes, où paysans et occupants s’opposent physiquement à la construction de grands projets d’aménagement imposés sans concertation avec les habitants des territoires concernés.

Notes