Manifestation de policiers à Tours : les flics, ça ose tout...

Ces derniers jours, des rassemblements plus ou moins spontanés de policiers ont eu lieu dans différentes villes de France. A Tours, une quarantaine de flics se sont réunis le 19 octobre place Anatole France pour dire leur « ras-le-bol ». Mais leur discours ne colle pas avec la réalité vécue par celles et ceux qui ont affaire à eux.

Plusieurs médias locaux sont allés recueillir la complainte des policiers qui s’étaient réunis sur la place Anatole France, avec véhicules de service et en uniforme pour certains.

Les policiers prétendent ainsi « avoir des ordres pour ne plus intervenir dans certains quartiers sensibles comme au Sanitas à Tours ou la Rabière à Joué-les-Tours », qu’ils qualifient de « zones de non-droits ». Ils y interviennent pourtant régulièrement, et d’une manière qui laisse penser que, si le droit ne s’applique pas dans ces zones, c’est au bénéfice des flics, qui y font ce qu’ils veulent.

Par exemple au Beffroi, où des habitants décrivaient ainsi un contrôle subi :

« Le contrôle se passe dans le calme, malgré les injures et les menaces dont les jeunes témoignent : « Vas-y, palpe-lui lui la bite », lance un policier à son collègue ; « Si vous vous retournez, on vous tire dessus » ; « Maintenant c’est qui les fils de putes ? On va vous la mettre ! ». L’un des jeunes, qui était au téléphone au moment du contrôle, reçoit un coup de la part d’un flic avant d’être aligné contre la vitrine. »

Ou alors à La Rabière :

« Le ton est monté pendant le contrôle d’un homme handicapé, qui s’est plaint des conditions du contrôle. Son fils s’est interposé, avant de fuir sous la menace des policiers. Un flic a tiré avec son flashball, apparemment sans toucher sa cible, avant que retentisse un cri : "Chargez, allez, on se met en rang !" »

Un habitant du quartier expliquait à propos de la BAC locale :

« Les flics qui débarquent viennent surtout d’ailleurs. On leur décrit la population d’une certaine manière, avec une étiquette « zone sensible ». On formate les flics avant de les envoyer sur le terrain, ce qui fait qu’il n’y a pas de lien avec les habitants. La brigade anti-criminalité (BAC), c’est pire. C’est une police spécialisée pour les jeunes des quartiers. Ils se comportent comme une bande, faisant face à une autre bande. Leur attitude quand ils sortent de leur voiture, leurs codes vestimentaires sont ceux d’une bande. Ils sont sapés comme les mecs du quartier : crâne rasé, jean, baskets, sacoche. »

D’après le magazine 37° et France Bleu Touraine, les policiers dénonçaient aussi une justice « trop laxiste », une « délinquance (...) impunie ». L’un d’eux déclarait : « quand on est victime, il n’y aucune réponse pénale ! ». Pourtant, dans le cadre du mouvement contre la loi Travail, un jeune manifestant a écopé de neuf mois de prison ferme pour avoir lancé un caillou en direction des flics. Plus globalement, quand les policiers se sentent outragés ou insultés, ils trouvent toujours un juge pour se pencher sur leurs états d’âme et leur accorder de confortables dommages et intérêts.

La police semble plutôt bénéficier d’une impunité à toute épreuve [1]. Ils ne sont quasiment jamais poursuivi pour les insultes et les coups qu’ils distribuent, que ce soit dans les quartiers populaires ou dans le cadre des mouvements sociaux : les victimes sont souvent empêchés de porter plainte. Et pour éviter d’être mis en cause, les policiers qui interviennent « oublient » régulièrement de porter leur matricule, ou se masquent le visage. Au cours du printemps, on a aussi eu l’exemple de flics de la BAC allant menacer une militante en bas de son immeuble, ou l’usage d’une grenade de désencerclement en dehors du cadre légal. A chaque fois, leur hiérarchie les couvre.

Les flics ont apparemment prévu de manifester de nouveau le 26 octobre, date anniversaire de la mort de Rémi Fraisse lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens. Le gendarme qui a lancé la grenade ayant tué Rémi n’a pas été mis en examen, et pourrait bénéficier d’un non-lieu...

Notes

[1En atteste le faible nombre de poursuites relativement au nombre de personnes tuées par la police chaque année en France. En 2015, Bastamag publiait une infographie recensant les victimes de la police depuis 1977.