A Tours, les flics poursuivent leurs victimes et harcèlent les étudiants

Nous étions rassemblés devant la préfecture jeudi 1er juin à 9h afin de soutenir deux étudiants convoqués à la même heure au commissariat. Au détour des prises de paroles, on a appris que la police harcelait les plus jeunes et les plus isolés des militants contre la loi Travail.

« Les agent de la BAC nous suivent jusque chez nous »

C’est le Parti Communiste qui a initié ce rassemblement, en apprenant qu’un de ses militants, ainsi qu’une autre manifestante, étaient convoqués au commissariat. Il leur est reproché de ne pas avoir obéi aux ordres de dispersions donnés par la police lors de la manifestation du jeudi 26 mai, alors que celle-ci se poursuivait devant le pont Mirabeau. Dans les faits, on les punit pour avoir osé porter plainte contre la police pour des coups et blessures lors de cette même journée.

Dans la foulée, les organisations syndicales, Confédération Générale du Travail, Fédération Syndicale Unitaire, Solidaires ont appelées à y participer. Les partis politiques Lutte Ouvrière, le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti Communiste des Ouvriers de France avaient également relayé cet appel. Bien sûr l’Assemblée Générale du mouvement étudiant (ouvert à tous) y était représentée. Au total, une grosse centaine de personnes, pour l’essentiel membres de ces organisations, étaient réunies alors que l’appel n’avait été fait que la veille. Toutes les organisations ont pris la parole.

Quand le camarade représentant l’AG du mouvement étudiant a pris la parole, il a d’abord rappelé le sort du jeune camarade qui vient d’entrer pour neuf mois en prison et a appelé à la solidarité financière pour qu’il puisse « cantiner ». Puis il a embrayé sur le témoignage d’une violence policière cachée, dont l’auditoire n’était pas au courant :

« Les agent de la BAC nous suivent jusque chez nous. Une camarade vendredi soir dernier, a ouvert la porte de son appartement et trois agents de la BAC se sont rués sur elle, l’ont plaquée contre le mur et lui ont fait des menaces, dont des menaces de mort. Des camarades se sont fait embarquer pour passer la nuit à l’arrière du commissariat, dans la cour. Surveillés par six policiers et des agents de la BAC qui les ont poussé, qui leur ont posé des questions. Questions sur le mouvement, puis ensuite sur leur passé. Après quelques heures, ils les ont relâchés sans le moindre document de procédure, sans aucunes preuves de ces gardes à vues.

La police sait qu’ils sont plus faibles, sans avocats et isolés. D’ailleurs ils ne suivent que ceux qui vivent seules, pas ceux qui habitent encore chez leurs parents. Du coup ça met un peu la pression... Et puis il ne faut pas oublier que les policiers sont en train de faire n’importe quoi : comme quand ils font des tirs tendus de grenades lacrymogènes qui passent à deux centimètres de votre nez pour vous refaire le visage... »

Le représentant de l’AG finit son intervention en apportant le soutien de tout le mouvement aux deux camarades qui sont au commissariat : ils n’ont pas à prendre pour tout le monde !

Le copain fut grandement applaudi à la fin de son intervention — réalisée, il faut le dire, à deux pas d’un flic en chef bien connu des manifestants, et d’un officier de la BIVP [1], lui-aussi bien connu. Tous les salariés de la préfecture et du Conseil Départemental qui attendaient pour entrer ont eu eux aussi l’occasion d’entendre ce témoignage précieux.

« Ces flics, ces juges... tout ça, c’est la lutte de classe »

Le PCF, a rappelé « qu’il ne s’agit pas d’agitation, mais d’un combat pour le retrait de la loi El Khomri ».

Solidaires a exposé l’idée selon laquelle la « répression féroce du mouvement » à deux objectifs : traumatiser l’opinion et faire pression sur les militants les plus investis. Pour se faire, tous les moyens sont bons, quitte à envoyer des agents de la Brigade Anti-Criminalité aux pieds des immeubles des jeunes camarades, et les harceler par la répétition de contrôles d’identités. Solidaires explique ces méthodes par le savoir-faire du préfet, anciennement en poste en Corse...

La CGT, quant à elle, a fait le lien entre ce rassemblement de soutien et la nécessaire solidarité de tous les travailleurs, quel que soit leur statut, pour combattre la loi. Faire face aux difficultés liées à la peur et à la répression, mais aussi briser les tentatives de divisions du mouvement par le pouvoir. La CGT a fait aussi le salutaire rappel d’une trop vieille histoire toujours en attente de suites pénales pour démontrer le caractère de classe de la justice : l’affaire M2IT. Cette affaire où, rappelons-le, la violence patronale a dépassé toutes les limites puisqu’il s’agissait de terroriser des salariés avec des armes ! Ces faits, déjà condamnés au civil par le conseil des Prud’hommes de Tours [2], sont d’une toute autre nature que ce qui est reproché à Léo et Marion — sans même revenir sur le pauvre caillou qui a conduit, en quatre jours de temps, un jeune homme de 22 ans en prison.

LO, a rappelé que « ces flics, ces juges... tout ça, c’est la lutte de classe ».

Propos également repris par une camarade du PCOF, qui avait fait les frais de cette violence d’État lors de la manifestation du 8 mars dernier, lors de la manifestation pour les droits des femmes. Cette même personne a, dans les mêmes conditions que les convoqués de ce mercredi-là, déposé une plainte contre la police.

Une délégation de cinq membres fut reçue à la préfecture à 10h30.

Une stratégie pour faire peur, pour faire mal.

Pendant ce temps-là, au commissariat, des policiers en tenue de maintien de l’ordre surveillaient l’entrée. A l’intérieur, l’ambiance était tendue et les fonctionnaires présents ont poussé un véritable ouf de soulagement quand ils ont vu que Léo et Marion n’étaient accompagnés que de leur avocat...

Il y en a qui n’ont pas la conscience tranquille semble-t-il !

Ce fut un rassemblement qu’on aurait pu craindre un peu rituel, un peu « obligé » mais qui s’est avéré très utile par le témoignage du copain étudiant, mais aussi par l’exposé des points de vue de chaque organisation. Ce débat doit être mené car il engage stratégiquement le mouvement. Stratégie de solidarité et d’unité mais aussi vison politique de la société dans laquelle on lutte et on vit.

Le discours général de tous c’est de répondre à ces manœuvres policières par la continuation de la lutte, son élargissement à un plus grand nombre de travailleurs, par la construction de la grève, la solidarité et l’entraide, etc. Mais ce qui est nouveau c’est qu’il y a aussi une critique sur la place publique du jeu du pouvoir pour faire peur, pour faire mal.

Cette société ne tient que par la peur, au boulot, au quartier, dans la rue.... Si ce débat émerge maintenant cela va être un point d’appui supplémentaire pour l’élargissement. Maintenant ça peut devenir une question de dignité, celle de notre classe sociale. Dans la continuité de la soirée contre l’état d’urgence d’il y a trois mois, où les témoignages des exactions policières avaient été livrés publiquement, continuons à nous dire les choses, à exposer ce que chacun croit être le seul à vivre.

P.-S.

Toutes les interventions filmées sont disponibles via youtube. Il n’y a pas celle du copain étudiant, l’essentiel ayant été retranscrit ici.

Pour joindre le collectif anti-répression de Tours, un courriel : antirep37@riseup.net

Notes

[1Brigade d’Information de Voie Publique.

[2Notons, au passage, qu’il aura suffi à ce salaud de liquider sa boite pour ne pas devoir donner un centime a quiconque.