A l’approche de Noël, que nous propose-t-on dans les magasins de jouets au « rayon filles » à mettre dans notre caddie ? Maquillage, manucure, bijoux, robe de mariée, chaussures à talons, robes de princesse, poussette, dinette, serpillère et balai ! Rose, rose et toujours rose, pour bien marquer que ces jouets ne sont surtout pas destinés aux garçons. Le message véhiculé par ces jouets roses est clair : la fillette apprend à être belle pour séduire son prince charmant qui viendra la sauver. Son rêve : se marier et s’occuper des enfants et du ménage. Au « rayon garçons » par contre, les magasins nous proposent de multiples répliques d’armes, et des super-héros valorisant force et domination. Et grâce aux jeux de construction, les jeux scientifiques, les voitures, les fusées, les garçons peuvent s’imaginer architecte, aventurier, pompier, chimiste ou astronaute.
Chez les jeunes enfants, une phase de développement consiste à vouloir imiter les adultes. Les jouets ont une fonction ludique mais sont également des supports d’apprentissage. Alors que 86 % des femmes exercent une profession, pourquoi les filles devraient-elles se projeter dans les activités domestiques et apprendre la séduction dès l’âge de 3 ans ? Est-il juste d’exclure les filles de ce qui renvoie à l’aventure, l’ambition et la science ? Pourquoi encourager les garçons à la compétition et à la violence physique, et les exclure de tout ce qui touche à la maison, aux soins des enfants, à la relation et au dialogue ?
Cette segmentation des jouets ne peut rendre service aux enfants ! Paru fin 2014, le rapport sur les jouets du Sénat sur les jouets l’a rappelé : l’égalité commence avec les jouets, il est primordial que ces derniers proposent les mêmes chances d’épanouissement personnel et professionnel aux filles et aux garçons.
Nombre de jouets en 1980 étaient unisexes et permettaient le développement égal des capacités des filles et des garçons. Les vélos n’étaient ni roses, ni bleus, et se passaient de frères à sœurs. Pour doubler son chiffre d’affaires, l’industrie du jouet décline des jeux en rose et en bleu, enfermant filles et garçons dans des rôles totalement périmés. Aujourd’hui les LEGOS rose « friends » cantonnent les filles à la maison, quand les garçons construisent immeubles, hôpitaux, ponts et vaisseaux spatiaux. Même le Monopoly est décliné en rose avec les banques et les hôtels remplacés par des ongleries et des magasins de lingerie ! Nous nageons en pleine régression.
La responsabilité des fabricants et des magasins de jeux est immense ! Aujourd’hui, impossible pour garçons et filles de partager les univers de jeux et donc d’apprendre le « vivre ensemble » nécessaire à une construction d’une société d’égalité. Nous exigeons des fabricants et des magasins qu’ils abandonnent les rayons séparés filles/garçons, et toute référence au sexe de l’enfant à qui le jouet est destiné, en particulier tout code-couleur rose/bleu. En tant que parents, grands-parents, nous refusons que les jouets inculquent à nos filles l’obsession de l’apparence et limitent leurs choix d’orientation professionnelle. Nous refusons que les jouets inculquent à nos garçons l’obsession de la force brute et les incitent à abandonner les charges domestiques aux filles.
Par nos achats de Noël, nous pouvons refuser cette ségrégation, et ouvrir les possibles à nos enfants. Afin de sensibiliser le grand public à ce phénomène, Osez le féminisme 37 interpellera les acheteurs avec une chorale anti-sexiste le samedi 17 décembre à 14h30 rue de Bordeaux.