Ces derniers jours, une cinquantaine de personnes se sont vues refuser l’accès à l’hébergement d’urgence sur Tours. Le 115 ne répond pas, les places d’hébergement hivernal sont fermées. Plusieurs familles étaient à la rue depuis deux semaines bien qu’appelant chaque soir le 115. Devant la situation d’urgence, les collectifs militants ont pris en charge ces femmes, ces hommes et ces enfants pour les mettre temporairement à l’abri. Ainsi Utopia 56, Chrétien migrant, RESF 37, le collectif de Saint-Pierre-des-Corps, l’accueil Migrant du Lochois, entre autres, réunis au sein du collectif Accueil sans frontières en Touraine, ont hébergé pour la nuit du lundi 3 juin les personnes à la rue.
Cette absence de solutions d’hébergement est un problème récurrent depuis de nombreuses années en Touraine. Et cette situation ne va qu’en s’aggravant, notamment en raison de la politique d’exclusion de l’État. À Tours, les places d’hébergement ont été fermées les unes après les autres. C’est le cas des 150 places de la plateforme AFTAM [1] de Tours ou encore des 30 places pour hommes seuls. Ces fermetures s’accompagnent d’une absence totale de volonté de création d’hébergement stable, digne et pérenne. Les demandes de créations d’hébergement sont une des exigences depuis de nombreuses années des réseaux de solidarité aux personnes à la rue, exilées ou pas. Les politiques nationales déclinées en local font ainsi fi de la détresse de ces hommes, femmes et enfants livrés à la violence de la rue.
Macron a pourtant claironné qu’il voulait que « plus personne ne dorme à la rue ». Ce n’est pas pour autant qu’il a donné les ordres et les moyens pour permettre l’ouverture de structures d’hébergement à l’année, et ce en nombre suffisant. Les lois répressives envers les exilé-es contribuent à jeter à la rue et/ou à y maintenir de nombreuses personnes, y compris des nourrissons, des handicapés ou des malades. Les dernières lois promues par l’État permettent de virer des CADA les débouté-es du droit d’asile, fragilisant des individus au parcours d’exil complexe.
À Tours, comme ailleurs, les collectifs militants ont pris l’habitude, habitude nécessaire, de pallier aux manquements qui s’accumulent. Ils dénoncent régulièrement le manque de structures d’accueil. On peut d’ailleurs se poser la question de la nécessaire solidarité, qui amène à dénoncer ce qui se passe et à trouver des solutions (campements, squats...), mais qui effectivement finit par se substituer au devoir étatique.
À Tours, la situation est plus qu’alarmante. Les personnes refusées quotidiennement par le 115, faute de places, sont nombreuses. Le plan hiver, dit aussi de mise à l’abri hivernale, a pris fin, entraînant la fermeture des structures d’urgence mises en place : un gymnase (chauffé à 12 degrés), 25 places au sein de l’hôpital Bretonneau et 25 également au sein du foyer d’urgence d’Entraide et Solidarité (ex-Emergence), en tout 150 places temporaires pour les mois les plus froids. Restent au printemps les nombreuses chambres d’hôtel qui ont permis, contre de lourdes dépenses, d’offrir un abri temporaire cet hiver. Ces dernières chambres seront fermées fin juin.
Parallèlement, l’OFFII [2], à la botte de l’État, reprend la main sur la gestion des appartements pour demandeurs d’asile, ce qui leur permet d’organiser l’expulsion (y compris manu militari) des personnes y résidant qui sont déboutées du droit d’asile. Ainsi à Tours, le 27 mai, une mère de famille a été expulsée de son logement par la police ; elle et ses quatre filles sont actuellement logées par des enseignant-es et des parents d’élèves de l’école où les enfants sont scolarisés [3].
Toutes ces expulsions, et ces réductions de moyens d’hébergement se font au mépris des lois. On peut ainsi citer le droit au logement opposable [4] qui prévoit que toute personne doit se voir proposer un nouvel hébergement, et ce sans tenir compte de sa situation administrative. Ou encore le code de l’action sociale et des familles qui stipule que toute personne qui a un enfant de moins de trois ans doit être prise en charge par l’ASE. Ces deux textes auraient dû permettre à la mère de famille tourangelle expulsée de ne pas se retrouver à la rue.
Fermer les structures d’urgence hivernales, c’est également nier le fait que c’est durant l’été qu’il y a le plus de morts à la rue. Selon le collectif Morts de la rue, ils sont 566 à être décédés en 2018. C’est toute l’année que l’on nie le droit fondamental de mise à l’abri. Et toutes couleurs politiques confondues ; les alternances locales ou nationales n’apportant aucun changement notable. A ce titre, l’irruption récente de militants du parti socialiste dans la lutte pour obtenir des logements dignes et pérennes pour toutes les personnes à la rue doit être appréciée au regard de la politique menée en la matière quand ce parti était au pouvoir. Difficile d’y voir autre chose qu’une posture opportuniste, à un an des prochaines élections municipales.