Il y avait une parade, des ballons, des costumes, et quelques centaines de curieux. C’était pensé par la mairie comme une fête pour célébrer le 1700ème anniversaire de la naissance de saint Martin. Mais peu après le dévoilement de la statue du saint, qui était censé être l’un des temps forts de cette journée, une femme équipée d’un mégaphone a lu un discours dénonçant la politique de la municipalité. Dès les premiers mots, une bonne part de la foule s’est mise à huer copieusement la jeune femme. On a vu une bourgeoise venue célébrer saint Martin hurler frénétiquement « connasse », la bouche déformée par la haine ; un type fou de rage criait « ferme ta gueule » ; quelques « au goulag » ont fusé. Voici le discours qui a été lu (et qu’il était impossible d’entendre sous les huées).
« La municipalité fait de saint Martin le Mickey Mouse de la Touraine »
« Nous, Tourangeaux mobilisés contre la loi Travail et son monde, sommes stupéfaits de voir la municipalité organiser de si somptueuses célébrations pour la figure de Saint Martin, symbole du partage. Dès sa mort, la ville de Tours s’est battue pour s’en accaparer le prestige, les pèlerinages ont été l’occasion de faire commerce, comme on le fait aujourd’hui avec le tourisme.
Depuis, cette exploitation commerciale du religieux sonne comme une récupération politique. Bien qu’elle fête le dit Saint Martin, homme charitable qui partage son manteau avec les plus pauvres, la municipalité tourangelle ne verse pas dans la solidarité. Elle a même clairement affirmé ses choix politiques : tandis qu’elle accorde un budget de 1,5 millions d’euros aux fêtes martiniennes, dont 850 000 pour l’année 2016, la même somme a été retirée des subventions allouées aux associations à but culturel et social, qui viennent en aide aux plus démunis et se voient supprimer toute dotation ! Suppression de la gratuité des cantines, généralisation des arrêtés anti-mendicité dans le centre-ville... diminution drastique du budget du Centre Communal d’Action Sociale, augmentation du prix des transports en commun.
La municipalité fait de cette icône un pôle d’attraction touristique, faisant de Saint Martin le Mickey Mouse de la Touraine.
Non, à Tours, les pauvres ne sont pas les bienvenus, pas plus que les réfugiés. On veut célébrer Saint Martin tranquille. En revanche, les hommes d’affaires et les touristes sont accueillis à bras ouverts, notamment dans les futurs hôtels de luxe Hilton 3 et 4 étoiles, dont le budget de plusieurs millions d’euros permettra de fournir des chambres à 200€ la nuit.
Le chantier se trouve à quelques pas d’ici, et nous, Tourangeaux mobilisés contre la loi Travail et son monde, avons transformé sa triste palissade en joyeux mur d’expression populaire, un mur contre lequel nous dessinons des rêves, un mur contre lequel nous réinventons des espaces, des espaces ouverts à la fantaisie et au partage. »