Arrêté anti-mendicité : la ville de Tours condamnée

Dans un arrêt daté du 31 mai 2016, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’arrêté anti-mendicité pris par la mairie de Tours le 6 décembre 2013. Cette décision pourrait remettre en cause la politique anti-SDF de la ville.

En décembre 2013, le maire de Tours, Jean Germain, avait pris un arrêté interdisant sous peine d’amende :

« toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, accompagnée ou non de chiens, même tenus en laisse, lorsqu’elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité de passage et la sûreté dans les rues et autres dépendances susvisées. »

La mairie parlait d’un arrêté « de tranquillité et de sécurité publiques », mais la Ligue des Droits de l’Homme avait immédiatement dénoncé une mesure anti-mendicité, et avait introduit un recours en annulation. Dans un premier temps, la LDH avait été déboutée par le tribunal administratif d’Orléans.

Mais pour la Cour administrative d’appel de Nantes :

« le maire de Tours ne pouvait légalement prononcer l’interdiction de l’occupation prolongée des rues du centre historique et commercial de la ville »

Elle a donc annulé l’arrêté municipal, ainsi que le jugement du tribunal administratif, et condamné la ville à verser 1 500 euros à la Ligue des droits de l’homme.

Pour Catherine Lison-Croze, présidente de la section d’Indre-et-Loire de la LDH, la décision de la cour montre qu’il y a eu « un abus de droit caractérisé de la ville de Tours ».

Devant les juges, la mairie de Tours avait produit des extraits de main-courante de la police municipale, relatant l’existence d’« incidents » mettant en cause des personnes sans domicile fixe. Mais aux yeux de la cour :

« les quelques faits relatés de sollicitations ayant entraîné les interventions des services de la police municipale ne [pouvaient], à eux seuls, être de nature à justifier la nécessité d’une mesure d’interdiction ».

La cour a également souligné que les services de police n’ont jamais mentionné de violences effectives à l’égard des personnes ni de troubles significatifs pour l’ordre public.

« Le maire de Tours doit tirer les conséquences de cet arrêt »

L’annulation de l’arrêté pris par Jean Germain en décembre 2013 pourrait avoir des conséquences sur la politique anti-SDF de la municipalité actuelle. Deux mois seulement après son entrée en fonction, le nouveau maire de Tours, Serge Babary, avait pris un arrêté identique à celui de Germain [1]. Depuis, des arrêtés anti-mendicité tombent tous les six mois, couvrant à chaque fois un périmètre plus large et une durée plus longue. Le dernier en date a été pris le 13 mai 2016 et court jusqu’au 25 septembre. Pour Catherine Lison-Croze, « le maire de Tours doit tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes ».

La mairie de Tours a deux mois pour former un recours contre la décision de la cour administrative d’appel, mais cet arrêt sonne déjà comme un désaveu pour l’adjoint à la sécurité Olivier Lebreton, qui déclarait en septembre 2014 :

« Si on me téléphone pour me dire qu’une personne avec un chien ou un SDF avec une guitare dérange, mon boulot c’est d’écouter et de dire "monsieur, allez jouer ailleurs" ».

Notes

[1Cet arrêté de mai 2014 fait également l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.