Fermeture du centre social Léo Lagrange — témoignage d’une habitante des Fontaines

Françoise habite dans le quartier des Fontaines, à Tours. Elle profite des activités offertes par le centre social Léo Lagrange et s’y investit comme écrivain public. Avec d’autres, elle a lancé une pétition contre le non renouvellement de la convention du centre social décidée par la mairie.

J’habite dans le quartier, à deux pas du centre social Léo Lagrange. Je connais aussi le centre parce que ma fille travaille dans la structure. Je le fréquente beaucoup plus depuis que je suis à la retraite, c’est-à-dire depuis 2009. J’ai rejoint l’espace « Rencontres » il y a quatre ans ; c’est l’espace adultes qui a lieu tous les jeudi après-midi. D’abord pour passer un bon moment, pour m’investir, et sympathiser avec les autres gens du groupe. Il faut bien avouer que quand on est à la retraite, on peut se sentir un peu inutile, isolée. C’était pour me rendre utile et faire des connaissances.

On se réunit, on fait un planning commun avec l’animatrice, et on décide d’activités diverses : on fait des sorties cinéma, des visites, on utilise la médiathèque… On a un atelier cuisine une fois par mois. Et puis on échange autour d’un café, on a des discussions entre nous à bâtons rompus. C‘est très convivial.

On a très mal vécu cette annonce concernant le centre social. Moi, je pourrais peut-être cibler d’autres lieux, mais ce qui m’intéressait ici, c’était la proximité. Pour certaines personnes qui souffrent de solitude ou qui ont des difficultés familiales ou financières, ça pourrait être plus dur de franchir le pas et d’aller ailleurs. Tous ces gens-là risquent de rester sur le carreau, à moins qu’on les entraîne ailleurs ou que la mairie nous propose autre chose. Faudra voir.

Je suis aussi écrivain public bénévole pour le centre social. On est en binôme avec ma collègue Monique, on intervient à l’espace Toulouse Lautrec, aux Rives du Cher. Vu qu’on y représente Léo Lagrange, c’est aussi un service que nous rendions qui va s’arrêter, alors que c’était un truc assez chouette. On était beaucoup sollicitées. C’était du courrier administratif, on aidait des personnes en difficulté, souvent des personnes étrangères qui ne comprennent rien aux imprimés administratifs – et c’est normal, vu ce qui est parfois demandé aux gens. C’était une permanence qui avait lieu tous les mardi matin.

L’idée de la pétition est venue spontanément. Quand Marie, la directrice du centre, nous a annoncé officiellement la décision de la mairie, on s’est demandé ce qu’on allait faire, ce qu’allaient devenir les salarié-es. C’était très préoccupant. Tout de suite, en tant qu’usagers, habitants, bénévoles, on a voulu réagir. Et on s’est dit que la meilleure solution était la pétition. Après, on verra. Il y a une manifestation prévue le 6 juin, je pense qu’on ira aussi. C’est peut-être une cause désespérée, mais il faut au moins qu’on se manifeste.

La pétition a été relativement bien accueillie dans le quartier. On a formé différents groupes, par exemple avec les personnes qui viennent au centre pour faire du tricot. On a remis des pétitions à tout le monde, et tout le monde les fait circuler. Là on en est à peu près à 400 signatures. Et on a pas encore celles de Bouzignac ou de la Bergeonnerie. Samedi matin, les copines de l’espace « Rencontre » ont proposé d’aller au marché pour faire signer la pétition. Elles ont été confrontées aux élus du quartier, et certaines ont été un peu désarmées : les élus les accusaient d’être missionnées par la fédération Léo Lagrange. Une copine qui n’a pas la langue dans sa poche leur a répondu : « On n’est pas nées de la dernière averse. A 65 balais, on a déjà vécu des luttes et on sait comment ça se passe. » Personne ne nous a missionnées, on a agi de notre propre initiative.

Moi j’ai milité pour l’avortement, l’IVG... Je suis d’une génération où il fallait aller avorter à l’étranger, où la pilule n’était pas remboursée. On a déjà fait partie de ces luttes. En 1968, j’étais en terminale, c’est là que j’ai commencé à faire mes armes. Après, quand il y avait des causes qu’on trouvait justes et nobles, on partait sur le terrain. Je ne dirais pas que c’est une habitude, mais face à l’adversité il faut bien se défendre. Là, ce mouvement pour le maintien de ce centre social, ça me paraissait tout à fait justifié.

L’une des difficultés du centre, c’est qu’il n’est pas visible. Ça fait quatre ou cinq ans qu’on fait remonter le problème. Le bâtiment est coincé dans une impasse, et un certain nombre d’habitants ne connaissent pas son existence. C’est une ancienne école, et il est parfois difficile d’organiser des choses cohérentes dans des salles de classe. On aurait voulu un accueil de l’autre côté du bâtiment, et peut-être des tables dehors pendant l’été. Quelque chose de plus accessible et identifiable. Pour qu’un tel espace soit connu, il faut qu’il ait pignon sur rue. Souvent, c’est par les assistantes sociales que les nouveaux habitants apprennent l’existence du centre.

Mais les gens qui viennent sont fidèles, parce qu’on y trouve des animateurs à l’écoute. L’année dernière, on nous a encouragé à faire part de nos désirs. Avec une copine, on a lancé l’idée d’ouvrir un atelier d’écriture. La directrice a œuvré pour que ça soit mis en place, et l’atelier fonctionne depuis septembre. Il y a six ou sept participant-es assidu(e)s. Et puis c’est gratifiant, pour les travailleurs du centre social, de voir des initiatives prises par les habitants. Tout ça est proposé à un prix modique. Parce que forcément, le prix peut être un frein pour commencer une activité.

Si, en septembre, la mairie ne prévoit rien pour les adultes, on pourra essayer de s’organiser de manière autonome, mais on ne sait même pas si on aura encore accès aux locaux. Je ne sais pas non plus si l’atelier d’écriture pourra continuer. Ce sera forcément plus compliqué qu’aujourd’hui.

P.-S.

Pour mieux comprendre la situation vous pouvez aussi lire l’interview de la directrice du centre publiée sur la Rotative.