Des nouvelles de toit

L’association Droit au Logement 37 (DAL), propose une chronique pour donner des informations, nationales ou locales, sur le logement, sur l’absence de logement, et sur les luttes pour le logement.

Nous avons appris
à voler comme des oiseaux
et à nager comme des poissons,
mais nous n’avons pas appris l’art tout simple
de vivre ensemble comme des frères

Martin Luther King

A Tours, une situation sordide

Michel, 49 ans, habite depuis dix ans dans le quartier Paul Bert. Il loue un abri de jardin de 11 m2² , équipé d’un minimum de confort (convecteur électrique, eau courante). Il n’ a jamais eu de bail, pratiquement pas de quittance, le loyer est de 190 euros, en liquide s’il vous plaît ! Le propriétaire a déclaré Michel à la CAF comme résidant dans son propre appartement de Tours Nord et perçoit à ce titre un peu plus de 100 euros par mois.

Michel est au chômage de longue durée et perçoit une allocation ASS de 488 à 500 euros. Il y a un an, il ne pouvait plus payer son loyer. Le propriétaire a sommé Michel de quitter son logement, et est allé signaler le départ de son locataire à la CAF qui arrête donc de verser l’allocation logement. S’appuyant sur cette situation montée de toute pièces, le propriétaire expédie une lettre recommandée à Michel lui signifiant de quitter son appartement. Au mois de juillet, il lui a coupé l’eau et l’électricité.

En septembre, le collectif Droit au Logement est informé de cette situation par un voisin de quartier et rend visite à Michel pour l’informer de ses droits, et l’aider. Le propriétaire renforce alors ses méthodes, et bloque à Michel l’accès au logement par une barre de fer. Aidé du collectif DAL, Michel réintègre son logis. Le 25 octobre, profitant de l’absence de son locataire, le propriétaire démonte porte et fenêtre. Michel se retrouve dans un abri de jardin, sans eau, ni électricité, et désormais ouvert à tous les vents.

Le collectif Droit au Logement et Indecosa-CGT organisent un rassemblement devant le logis de Michel le 26 octobre et donnent une conférence de presse à laquelle répond La Nouvelle République. L’association a aussi aidé Michel à faire une demande DALO (droit au logement opposable) en préfecture, afin de faire tous les recours possibles et de faire valoir son droit à un logement. Une plainte a été déposée, et après un signalement les services du procureur qui envisagent une éventuelle poursuite pénale ont demandé des précisions. Cette situation est marquée par de nombreux délits : le logement insalubre et indigne, la violation de domicile, la mise en danger d’autrui, mais aussi une fraude à la CAF.

Michel, pour l’instant, n’a nulle part ou aller. Il a réintégré son logis dévasté. La politique du logement à Tours ne lui permet pas d’avoir un logis digne de ce nom, il ne peut compter que sur lui-même et les bénévoles pour mener des recours. Les demandes prendront un temps long qui n’est pas celui de l’urgence humaine. (Michel est défendu par Maître Raimbault, avocat de Droit au Logement 37)

Des chiffres dramatiques, mais pas pour tout le monde

Nous sommes en 2017, dans un pays en paix dont le PIB progresse chaque année de 40 milliards d’euros (selon l’Insee). Le patrimoine cumulé des dix plus grandes fortunes de France est passé de 22,9 milliards d’euros à 240,8 milliards d’euros entre 1997 et 2017 (selon L’Expansion), soit une augmentation de 950 % ! Pendant ce temps-là, l’action politique du gouvernement accentue sa pression sur les plus pauvres, en baissant de 5 euros leurs APL, alors qu’elle modère voire supprime les impôts des plus riches.

Depuis des années, pourtant certaines priorités deviennent criantes : les Restos du cœur ont distribué l’an passé 135,8 millions de repas ; le nombre de pauvres se situe entre 5 et 8,9 millions d’individus [1]. Quel que soit le mode de comptage, 810 000 personnes supplémentaires sont devenues pauvres de 2008 à 2012, une sorte de réplique à la crise financière de 2008. Cette population augmente à minima de 0,5 % par an, selon l’Observatoire des inégalités.

Le chômage est bien une cause récurrente de la pauvreté, mais ce n’est pas la seule. Plus d’un million de travailleuses et de travailleurs sont pauvres et gagnent à peine plus de 800 € par mois, du fait des temps partiels contraints. Une partie des retraité-e-s sont aussi dans une grande pauvreté. Ces situations choquantes résultent bien de choix politiques, comme les refus réitérés de ne pas augmenter les minimums salariaux, sociaux, ou les pensions (œuvres de Sarkozy et Hollande). Il est, hélas à craindre que de nouvelles lois de dérégulations sociales aggravent la situation de ménages qui jusqu’à aujourd’hui survivaient tout juste et réussissaient à ne pas sombrer financièrement au prix de grande privations (vacances, culture, loisir, habillement, chauffage, soins).

Quinze millions de personnes touchées par la crise du logement

Pour le logement, la Fondation abbé Pierre, dans son rapport annuel (janvier 2017), dresse un état aggravé de la situation. La 22e édition du rapport annuel sur l’état du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre dessine le portrait d’une France fracturée par la crise du logement. Quatre millions de personnes sont sans abri, mal logées ou sans logement personnel. A savoir :

  • 143 000 SDF ;
  • 25 000 en chambres d’hôtel ;
  • 85 000 en habitation de fortune ;
  • 643 000 en hébergement contraint chez des tiers ;
  • 2 090 000 en privation de confort (sanitaires, chauffage, etc.) ;
  • 934 000 en surpeuplement accentué.

Outre ces situations les plus graves, 12,1 millions de personnes sont touchées à des degrés divers par la crise du logement : effort financier excessif (5,7 millions), précarité énergétique (3,6 millions), risque d’expulsion locative (1,3 million), copropriétés en difficulté (1,1 million), surpeuplement (4,2 millions)… Au total, sans les doubles comptes, près de 15 millions de personnes sont touchées, à un titre ou à un autre, par la crise du logement.

Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012. Celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers de 19 % entre 2002 et 2013. Les personnes en surpeuplement accentué sont de plus en plus nombreuses, alors que la tendance depuis des décennies était plutôt à la baisse : +17 % entre 2006 et 2013 pour le surpeuplement accentué et +6 % pour le surpeuplement modéré.

Les locataires continuent de payer leur loyer puisque le nombre d’impayés semble stable. Mais à quel prix... Les Français sont 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût, 42 % de plus à subir un effort financier excessif pour payer leur logement.

Résultat, le nombre de personnes modestes ayant eu froid à leur domicile pour des raisons liées à la précarité s’est accru de 25 % entre 2006 et 2013. Le nombre d’expulsions locatives avec le concours de la force publique a atteint son record en 2015, avec 14 363 expulsions, un chiffre en hausse de 33 % par rapport à 2006 [2].

Mortalité et inexistence

Tout d’abord un constat : si l’espérance de vie moyenne en France s’établit à 80 ans, celle des SDF n’est que de 49 ans. Le collectif « Morts de la rue », qui recense les SDF décédés, a dénombré 501 personnes SDF, de 48,5 ans d’âge moyen, mortes dans la rue en 2016. Ce collectif estime que le chiffre est à multiplier par six [3] 143 000 personnes environ connaissent une espérance de vie réduite d’un tiers, en raison d’une vie dégradée, sans hygiène ni intimité ni soins.

Ces chiffres insoutenables ne résument pas, hélas, la situation. D’autres personnes, des familles entières, vivent dans la rue. Ce sont les migrants, les sans papiers, et la police est le seul service public qui leur est dévolu, comme à Calais ou dans la vallée de la Roya, par exemple. Tours n’échappe pas à cette funeste réalité. L’association Chrétiens Migrants, à qui la municipalité a coupé toute subvention, tente d’organiser l’hébergement des migrants et des plus pauvres.

L’hébergement d’urgence par le Samu social, est sous dimensionné, par choix politique encore une fois. Il faut savoir que face à la situation catastrophique du logement en France, l’Etat n’envisage qu’une aide ponctuelle. Lorsque le 115 trouve une nuit de sommeil au chaud à un individu, ou une famille, il ne s’agit que d’une nuit, et non pas d’une solution perenne. On peut comparer cela à un sauvetage en mer ou vous seriez rejeté à l’eau le lendemain.

Un collectif qui veut grandir

L’association Droit au Logement suit de près la situation de Michel. Une dizaine de personnes sont mobilisées. C’est sans doute trop peu pour appréhender la totalité des problèmes de logement sur l’agglomération de Tours, il faut que ce collectif grandisse.

A Tours aujourd’hui, on construit deux hôtels Hilton, le quartier Sanitas est menacé, les constructions de logements visent les classes moyennes. La restructuration hospitalière, comme à Clocheville, fournira des opportunités immobilières à une municipalité qui entend sélectionner ses habitants dans les classes moyennes et supérieures. Au niveau national, la politique du logement est rabotée, les logements sociaux mis en vente, l’Etat se désengage sur cette question prioritaire. Les fonds de l’épargne populaire destinés initialement au logement social sont joués au casino boursier des grandes places financières. Ce sont les mêmes qui organisent des loteries fumeuses pour le patrimoine historique.

Parce qu’un toit est un droit, nous avons besoin de chacune et chacun pour exiger des logements en nombre suffisant , pour toutes et tous. Rejoignez nous.

Collectif DAL 37
tel 06 30 68 26 36
dal37tours@gmail.com
Permanences de 14 à 16 h, tous les samedis, bar « les Colettes », quai Paul Bert

Notes

[1Suivant la définition choisie, à savoir 50 % ou 60 % du revenu médian qui est de 1 783 €, soit 891 € ou 1 069 € mensuels.

[2Chiffres Fondation abbé Pierre 2017.

[3Source Libération.fr.