Denis Schwok, c’est avant tout un petit entrepreneur du spectacle, qui a pris le contrôle du centre des congrès après ce que la NR qualifiait de « petite révolution de palais ». A l’occasion de la venue de Dieudonné à Tours, en janvier 2014, alors que le pseudo-humoriste multipliait les sorties antisémites, Denis Schwok s’était distingué en déclarant à France Bleu Touraine : « Il faut le prendre dans le sens de l’humour (…) ça suffit de tout interdire ! On peut plus parler, on ne peut plus rien dire. ». Il insistait aussi sur le nombre de places vendues. Schwok semble se moquer du contenu des spectacles qu’il propose, du moment que ça rapporte.
Un poste au service d’une passion
Cependant, en ce qui concerne le NASCAR, les recettes ne constituent pas forcément la principale motivation de Denis Schwok. C’est lui qui est à l’origine du projet, alors qu’il n’était encore que le patron du parc des expositions. Main dans la main avec Jérôme et Anne Galpin, il va organiser une course automobile en marge du Country Bike Rock Festival, devenu depuis l’American Tours Festival. A l’époque, il ne s’agissait pas encore de NASCAR, faute d’homologation par la fédération américaine, mais d’Euro-Racecar.
Qu’est-ce qui a poussé Schwok à accoler une telle course automobile bruyante et polluante à un sympathique festival de rodéo et de danse country ? Si l’on en croit l’un des communiqués de presse publiés en amont de la prochaine édition du festival, on pourrait croire qu’il s’agit avant tout de promouvoir la ville de Tours internationalement [1], et d’en renforcer « l’attractivité », pour reprendre un terme à la mode dans les collectivités locales.
En fait, il semblerait plutôt que celui qui était alors responsable du Grand Hall ait décidé de mettre son poste au service de sa passion. En effet, Denis Schwok est un passionné de sports automobiles. Ainsi, en 1981, il créé le Moto Club Castelroussin, affilié à la Fédération Française de Moto [2]. Il a également apporté son soutien au projet « Jouons collectif pour faire gagner le 4x4 », au nom de l’organisation « Salon du Tout-Terrain de Touraine » ; ce projet comporte d’ailleurs, dans son préambule, une tirade merveilleusement libérale :
« Les menaces qui pèsent sur l’avenir restent pourtant bien réelles : Dans une société où tout se structure, se réglemente, s’organise, où l’État et l’Europe se mêlent de tout, y compris de nos loisirs, ce n’est pas l’autarcie dans laquelle se pratique actuellement le 4x4 qui permettra d’assurer sa pérennité. »
Du coup, la possibilité d’avoir « sa » course automobile a dû paraître assez séduisante à ce motomaniaque patenté. En partenariat avec le couple Galpin, il va œuvrer pour donner à cette course un poids grandissant, dépensant sans compter l’argent de la collectivité, et multipliant les superlatifs pour vendre le projet.
Courses auto sur le parc expo : une surenchère permanente
Au départ, alors que le circuit ne doit être que temporaire, les organisateurs évoquent déjà « une exclusivité mondiale, le premier short-track temporaire urbain au monde, la course automobile type supercross au cœur des villes... ». Bon, le parc des expositions est à la périphérie, mais c’est un détail. « Cette opération, qui demeure une première en Europe et même dans le monde, a été possible grâce à la collaboration du Grand Hall et de son responsable, Denis Schwok, qui est à l’origine du projet. » [3] Pour l’occasion, on fait venir 165 blocs de béton de 4 tonnes depuis Valence, en Espagne, pour constituer le circuit. 35 camions seront nécessaires pour le transport. On ne recule devant aucune dépense. Voilà pour l’édition 2012.
Pour l’édition 2013, Galpin et Schwok annoncent la création d’un premier virage relevé (ou « banking ») sur le circuit, qui du coup se pérennise. Entre temps, un partenariat avec la NASCAR a été conclu. Et ce coup-ci, c’est « du jamais vu en Europe ». Dans un communiqué, on apprend que « Tours sera la première ville européenne à présenter une course NASCAR avec un banking ». Schwok insiste encore : « C’est un événement unique en Europe », attirant des pilotes de nombreux pays. Pour l’occasion, la piste est entièrement re-surfacée, et Tours Plus débourse déjà 300 000 euros pour la construction du virage.
Apparemment, ça n’a pas suffit. Le duo Schwok-Galpin demande la construction d’un deuxième virage incliné. Les modalités de vote et de financement du projet ont fait polémique – le coût pour la collectivité devrait s’élever à 450 000 euros –, mais Schwok estime qu’il faut voir le verre « à moitié plein » : ce nouveau virage constitue « une opportunité exceptionnelle ». Voici un long extrait d’un communiqué de presse disponible sur le site de l’American Tours Festival :
« Tout d’abord, sur un plan essentiellement sportif, la nouvelle configuration du circuit du Tours Speedway permettra d’attirer des pilotes de renom du monde entier comme le légendaire italien Max Papis et de poursuivre la montée en puissance de cet événement de la NASCAR Whelen Euro Series. Pour l’organisateur de cette compétition, Jérôme Galpin du Team FJ, le Tours Speedway promet d’être le point culminant de la saison ! "Seul ovale à accueillir une course NASCAR en Europe, on aura ici un véritable short-track dans la plus pure tradition NASCAR", se réjouit-il, et Denis Schwok de renchérir : "Quelle autre ville en Europe à l’exception de Tours peut se vanter d’avoir un circuit homologué NASCAR ? Vous ne trouvez pas cela exceptionnel ? On parle d’un événement à caractère national et international." »
Rien de neuf par rapport à 2012, donc, si ce n’est une forme de folie des grandeurs. Le communiqué évoque le nombre de visiteurs qu’une telle attraction pourra faire venir, mais les courses NASCAR ne semblent pas passionner les foules, puisque la fréquentation de l’American Tours Festival semble se stabiliser autour de 40 000 visiteurs depuis plusieurs années. Et puis, l’intérêt sportif d’un tel aménagement semble faire débat : une écurie franco-belge a ainsi estimé que le « Tours Speedway » était « dangereux et inintéressant sur le plan sportif ».
A noter que, pour concrétiser ces projets, Denis Schwok s’est rendu deux fois aux États-Unis. La première fois en février 2013, à Daytona, en Floride, en compagnie d’Anne et Jérôme Galpin, mais aussi de Jean-Marc Lafon, directeur général des Services Techniques de Tours. La deuxième fois en décembre 2013, à Charlotte, pour une cérémonie récompensant les coureurs européens de NASCAR ; le couple Galpin est toujours présent, mais cette fois-ci c’est Henri Poignet, directeur général de Tours Événement, qui les accompagne. Il semblerait que le coût de ces voyages soit à ajouter à la facture déjà salée des deux virages.
C.J.