Clientélisme : le président de la métropole privatise les Halles de Tours

Le 5 octobre au soir, Philippe Briand organisait une soirée privée au sein du marché couvert de la ville pour les partenaires et clients de son groupe immobilier, Citya. De nombreux élus étaient aussi de la partie.

« Un rendez-vous d’exception avec nos présidents de conseils syndicaux et copropriétaires, investisseurs, bailleurs, clients et professionnels du secteur… » C’est ainsi qu’est présenté l’événement intitulé Au Cœur des Halles by Citya sur le site dédié. Dans le décor chaleureux des halles, 4 500 personnes étaient invitées par l’entreprise Citya Immobilier à déguster toutes sortes de mets et de vins fins [1]. Pour l’occasion, le lieu était privatisé et sécurisé.

Jusque-là, ça peut paraître anodin. Il est assez fréquent que des entreprises privatisent des espaces publics pour une petite soirée destinée à leurs clients ou leurs salariés [2]. Sauf qu’ici, celui qui a envoyé les invitations n’est pas n’importe qui. Philippe Briand n’est pas seulement le fondateur, le propriétaire et le dirigeant de Citya Immobilier. Il est aussi maire de Saint-Cyr-sur-Loire, président de la métropole de Tours, et ancien député de la 5ème circonscription d’Indre-et-Loire. Et accessoirement mis en examen pour usage de faux, escroquerie, recel d’abus de confiance et complicité de financement illégal de campagne électorale dans le cadre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012.

C’est d’ailleurs sous cette double casquette de patron et d’élu qu’il est présenté dans la vidéo souvenir de l’événement, dans laquelle il explique que « l’esprit Citya, c’est de faire autre chose que notre travail, simplement apporter aux unes et aux autres le bonheur du vivre ensemble ». Et on tombe franchement dans le mélange des genres quand on découvre que la soirée a été ouverte non seulement par Briand, mais aussi par le maire de Tours Serge Babary, accompagné de ses adjoints Céline Ballesteros (également candidate malheureuse aux législatives pour Les Républicains) et Xavier Dateu (également candidat au poste de maire suite à la démission de Babary), ainsi que du conseiller municipal Jérôme Tebaldi.

Serge Babary, Philippe Briand et Céline Ballesteros

Étaient également invitées, en qualité de partenaires, des entreprises comme Cofely, Bouygues Immobilier, Otis, Kone, Eiffage et Dalkia. Soit le gratin des entreprises d’immobilier, d’ascenseurs et de services énergétiques. Autant de partenaires de Citya qui ont aussi un gros intérêt à entretenir de bons rapports avec les élus pour décrocher des marchés publics. Rien de tel, pour entretenir de bonnes relations, que de partager un verre de Vouvray moelleux autour d’un plateau d’huîtres. Ou de se trémousser ensemble sur une partie des Halles convertie en piste de danse pour la soirée. On comprend que Philippe Briand ait distribué largement les invitations, allant jusqu’à distribuer des cartons nominatifs aux élus à l’occasion d’une session du conseil métropolitain [3]. Vous avez dit mélange des genres ?

C’est ce type de soirée qui permet de comprendre comment s’exerce le pouvoir dans une ville comme Tours. En invitant à la fois ses partenaires commerciaux et les élus, en mettant en avant ses différentes fonctions, Philippe Briand se met en scène comme le patron incontestable du territoire, qui distribue du « bonheur » aux autres.

Les Halles transformées en boîte de nuit (capture d’écran)

Les commerçants ont également apprécié la soirée, comme en témoigne le président du conseil syndical des Halles qui remercie « la maison Citya et toutes les personnalités qui étaient là ». Il faut dire que ce type d’événement est de nature à faciliter leurs relations avec les élus, qui ont lancé en mai dernier un appel à projet pour la redynamisation du lieu [4]. La réflexion autour de ce projet de rénovation, menée de concert par la mairie et les commerçants — qui ont droit à plus d’égards que les habitants des quartiers populaires visés par des projets de rénovation —, doit permettre aux Halles d’acquérir une envergure « nationale voire européenne ». Vous reprendrez bien un peu de champagne, Monsieur le Président ?

Notes

[1Chiffre affiché par l’organisateur. Le lendemain, La Nouvelle République parlait de « 3 000 invités du monde immobilier ».

[2L’association qui organise le festival Terres du son propose ainsi aux mécènes du festival d’organiser des soirées d’entreprises au Temps Machine, lieu dont elle a obtenu la gestion suite à un appel d’offres de l’agglomération. A ce sujet, lire Une candidate FN sur la scène du Temps Machine.

[3Comme le racontait l’élu Emmanuel Denis sur Facebook : « J’ai été scotché de trouver en m’installant (...) une invitation nominative pour cette petite soirée sauterie ensuite j’ai reçu plusieurs relances par mail » .