Du côté des « anti-bloqueurs » [1], on entendait les banalités d’usage : « On nous enlève notre liberté d’aller et venir », « On veut juste passer nos partiels », « Vous vous décrédibilisez ».
Les quelques tentatives des « bloqueurs » d’expliquer les enjeux de la lutte contre la loi Travail ou de faire naître une discussion sur ce thème échouaient rapidement : du côté des anti-bloqueurs, on n’était pas venus pour discuter, mais pour se plaindre et râler.
D’ailleurs, une étudiante a fait observer aux « bloqueurs » que tous les gens présents n’étaient pas opposés à la loi Travail. Il y a apparemment des étudiant-es que la perspective de se faire exploiter réjouit. Ou qui pensent qu’ils ne seront pas affectés. Quelques semaines plus tôt, à l’occasion d’un échange similaire, on avait entendu un étudiant expliquer fièrement au micro que s’il était à la fac, c’était pour se mettre à l’abri de ce genre de lois anti-sociales. Tant pis pour les autres.
Le directeur général des services, Alain Botton, a laissé planer la menace d’une intervention des flics sous 48h, puis est revenu pour annoncer que la présidence prendrait, dès demain, « une décision claire, nette, irréversible et définitive qui mettra un terme, d’une manière ou d’une autre, à cette situation ». Il a aussi tenu à réagir aux accusations de laxismes des anti-bloqueurs, en expliquant que « l’administration est nécessairement du côté des anti-bloqueurs, puisqu’elle veut un retour à la normale ».
Plus tard, un intellectuel signalait aux bloqueurs « qui luttent contre la loi Travail » que le MEDEF aussi était contre la loi. Fine analyse.
Un autre type faisait observer qu’il ne servait à rien de bloquer une fac vide. Et de fait, toutes les « activités pédagogiques » (cours et examens) qui ont normalement lieu sur le site des Tanneurs ont été délocalisées sur d’autres sites.
Une étudiante s’est lancée dans un audacieux parallèle entre les bloqueurs et une dictature.
Un étudiant a rappelé que le blocage n’avait pas vocation à faire chier les étudiants — certain-es semblaient en être persuadés —, mais à faire pression sur l’université pour que les étudiants puissent se mobiliser sans risque de sanction administrative.
Plusieurs anti-bloqueurs se sont inquiétés de l’image qu’aurait la fac si un « semestre blanc » était accordé par l’université — le concept de « semestre blanc » n’a pas été détaillé, mais d’après ce qu’on a compris il s’agirait de valider le semestre de tous les étudiant-es. D’autres s’inquiétaient de l’image de la fac en cas de poursuite du blocage, ou dans l’hypothèse d’une intervention des CRS. La présidence de l’université peut réduire son budget communication, certains étudiant-es font le boulot pour elle.
Un syndicaliste cheminot arrivé en cours de discussion est reparti en gueulant, affligé. On n’a pas tardé à faire comme lui.
Y. Gattaz