Avec la loi Vidal, de nouvelles perspectives de croissance pour le marché de l’orientation

Après l’explosion des cours particuliers lancés par des entreprises privées, voici lancées les entreprises de l’orientation. Une nouvelle preuve que l’éducation est devenue un marché. Exemple avec tonavenir.net, ou comment acheter son parcours d’étudiant.

Des prestations tarifées proposées par des conseillers d’orientation privés, qui dispensent leurs recommandations via la webcam d’un ordinateur. Voilà à quoi ressemble le futur de l’orientation des lycéen-nes après le baccalauréat. La mise en place de Parcoursup a représenté, il y a quelques semaines, une nouvelle étape dans la marchandisation de l’éducation et de son corollaire, l’orientation. En mettant en œuvre un processus de sélection à l’Université, qui demandera aux candidats à se conformer à un certain nombre d’« attendus » et à produire CV et lettres de motivation, le projet de loi Vidal offre de nouvelles perspectives de croissance aux entreprises positionnées sur le secteur de l’orientation. Consolation pour les lycéen-nes : l’obligation qui leur est faite d’exprimer 10 vœux d’orientation non hiérarchisés revient à leur offrir un billet gratuit pour une gigantesque loterie nationale.

Autre aubaine pour le marché de l’orientation : la réforme annoncée des lycées, si elle suivait les conclusions du rapport Mathiot, conduirait à la personnalisation des parcours des lycéen-ne-s dès la classe de seconde. Les élèves devront choisir entre des domaines majeurs et des domaines mineurs, choix qui de fait scellera en grande partie leurs trajectoires possibles dans le supérieur.

Fût une époque, pas si lointaine, où les COP-Psy (Conseiller d’orientation professionnel et psychologue) étaient chargés d’aider les jeunes à choisir un parcours spécifique. Ce faisant, ils rencontraient l’élève, discutaient avec lui de ses désirs (oh, quel drôle de mot), et selon ses possibilités scolaires et sociales (famille aidante, possibilité de se loger en zone urbaine, accès à une bourse...), le COP-Psy donnait un panel de possibles à l’élève.

Il est vrai que depuis quelques années, les suppressions de postes, la fermeture de CIO (Centres d’information et d’orientation) en zones rurales, ainsi que la hausse de demandeurs d’emplois [1], rendaient plus difficile la mission des COP-Psy dans les établissements scolaires. Soit. Mais la réforme attendue suite au rapport Mathiot obligerait les collégiens à décider dès l’obtention du brevet d’une marche à suivre pour le lycée, qui induira le parcours en études supérieures. Il est certain que les cinq CIO du département ne permettront pas aux COP-Psy en dépendant de rencontrer chaque collégien des 50 établissements publics.

Formule « Sérénité » ou « Inspiration »

Une des solutions au démantèlement de l’orientation comme service public a donc été proposé par l’Education Nationale : confier la mission de l’orientation post-bac aux professeurs de lycées lors des conseils de classe. Mais, comme toujours, dans le cas d’une défaillance organisée de l’État [2], les entreprises privées se jettent sur l’aubaine, en misant sur la capacité des familles à se saigner pour la réussite de leur rejeton. On en a une illustration avec ton avenir.net. Ou comment se sortir de l’ornière de Parcoursup grâce à des conseillers disponibles sur Skype.

Pour la modique somme de 320 euros, la formule « Inspiration » permet lors d’un unique rendez-vous de 1h30 une analyse de la situation du lycéen et détermine avec lui et ses parents les cursus scolaires adaptés à l’objectif professionnel, à ses souhaits et motivations, à son niveau scolaire. À l’issue de cette rencontre, une liste complète est établie par le Conseiller. Il ne reste plus au lycéen et/ou à ses parents qu’à procéder à l’enregistrement des vœux sur Parcoursup. Pour la moins modique somme de 560 euros, la formule « Sérénité » permet, en deux rendez-vous, à peu près la même chose.

C’est génial ! Tonavenir.net n’est qu’une des multiples entreprises de coaching privé qui vont surfer sur la casse de l’éducation nationale pour créer les écarts entre lycéens riches et lycéens pauvres. Mais aussi entre les familles qui croient encore à la justice d’une école pour tous, et celles qui préfèrent (même sans intention de nuire) à la casse du système en entrant dans le compétitif et l’individualisation à outrance. Tonavenir.net n’est qu’une illustration bientôt banale d’une société qui crève d’avoir oublié que le savoir est d’abord synonyme d’émancipation.

Notes

[1Les Conseillers d’orientation participent également, dans une moindre mesure, à la réinsertion professionnelle et aux bilans de compétences.

[2L’État tire avantage de la privatisation des services, et a pour objectif clair la réduction du nombre de fonctionnaires.