Une quinzaine de préfabriqués faisant office de dortoirs sont collés les uns aux autres, entre deux hangars désaffectés. Deux machines de musculation traînent sur l’asphalte envahi par les herbes folles. Il n’y a pas d’ombre, aucun aménagement extérieur. Situé derrière les locaux d’une entreprise d’enseignes publicitaires, au bord de l’autoroute et de la quatre-voies qui mène à la zone commerciale de Chambray-lès-Tours, l’endroit pue la désolation et les gaz d’échappement. C’est dans ces conditions indignes que sont hébergées jusqu’à 72 personnes chaque nuit.
Le nom du lieu ne permet pas de prendre la mesure de ce dont il s’agit. Cyniquement, ses concepteurs l’ont baptisé « Le Village ». Un terme qui évoque un espace de vie bucolique, pas une succession d’Algeco dont les occupant-es sont chassé-es tous les matins à 9h. L’espace a ouvert en novembre 2018, dans le cadre d’un partenariat entre le conseil départemental d’Indre-et-Loire et la préfecture. Censé constituer une solution « pérenne » à la crise de l’hébergement d’urgence qui sévit depuis plusieurs années dans le département, il compte 48 places pour les familles orientées par le 115 et 24 places, dans un pavillon situé au bout du terrain, pour les mineurs isolés casés là par l’Aide sociale à l’Enfance dans l’attente de leur évaluation. L’hébergement des familles ne dure qu’une semaine, renouvelable ; c’est la structure qui est pérenne, pas l’accueil des personnes qui sont rapidement renvoyées vers le 115.
En journée, le lieu est désert. Les volets roulants et les portes des Algecos sont clos. L’accès au lieu n’est autorisé qu’à partir de 17h. Il faut chaque matin repartir avec ses affaires, penser à emporter ce dont on a besoin. Ne rien oublier. Faire, défaire, refaire. Pour rejoindre le centre ville de Tours, il faut prendre des bus dont l’accès est coûteux pour des personnes sans ressources. La fraude est parfois la seule solution, avec les risques que cela suppose : au mois de mai, une femme hébergée là a été contrôlée sans titre de transport et envoyée au camp de rétention administrative de Rennes.
Emergence, l’association gestionnaire du lieu, prétend assurer un accès aux services essentiels : hygiène, alimentation, hébergement, accompagnement social. « Le Village » révèle la réalité qui se cache derrière ces formules creuses : promiscuité, inconfort, maintien dans la précarité, éloignement du centre urbain... Les conditions d’hébergement sont scandaleuses. L’hébergeur se rend complice des politiques indignes mises en œuvre par le conseil départemental et la préfecture d’Indre-et-Loire. Les températures caniculaires qui s’annoncent laissent augurer une dégradation accrue de ces conditions d’accueil déjà ignobles.