Arrivée en France au mois d’avril, après avoir traversé le Mali, le Niger et le Maroc, F. a 18 ans. Enregistrée à la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA), première étape en vue de l’obtention de l’asile, elle ne dispose d’aucune solution d’hébergement et d’aucune ressource : il faut attendre plusieurs mois pour espérer percevoir la maigre allocation pour demandeur d’asile. Logée temporairement par le 115 au « Village », un centre d’hébergement d’urgence situé derrière la zone industrielle de Chambray-lès-Tours, elle est obligée de frauder le bus pour rejoindre le centre de Tours.
C’est à l’occasion d’un contrôle, le 9 mai, qu’elle a été arrêtée par les flics et enfermée dans le local de rétention du commissariat de la rue Marceau. La mesure de rétention était agrémentée d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à effet immédiat... Dans la foulée, F. a été envoyée au camp de rétention de Saint-Jacques-de-la-Lande, à proximité de Rennes. La nuit de son arrivée, des détenus se sont rebellés contre leurs conditions d’enfermement [1].
Deux jours plus tard, F. a obtenu l’annulation de sa mise en rétention. Le juge des libertés et de la détention de Rennes a estimé que l’irrégularité de la procédure de retenue portait atteinte aux droits et aux libertés de la jeune femme, et a condamné la préfète d’Indre-et-Loire à indemniser son avocat. F. a été donc été mise à la porte du CRA sans aucun moyen pour rentrer à Tours ; elle est toujours sous la menace d’une OQTF à effet immédiat... Pourtant, son enregistrement à la PADA devrait faire obstacle à une telle mesure.
Cette histoire est exemplaire à plus d’un titre. Elle témoigne du dénuement des exilé-es s’inscrivant dans une démarche de demande d’asile, qui sont conduit-es à frauder, notamment pour se déplacer. Elle témoigne aussi du zèle des contrôleurs de bus, des flics et de la préfète, quand il s’agit de porter atteinte aux droits des étrangers : arrêtée le matin du 9 mai, F. a été enfermée au camp de Saint-Jacques-de-la-Lande avant minuit. Enfin, elle illustre une nouvelle fois les mensonges du gouvernement : la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018 devait, selon ses défenseurs, assurer un meilleur traitement des demandeurs d’asile. En réalité, sans améliorer la situation de ces derniers, elle a durci toutes les dispositions en vigueur. La répression des exilé-es s’intensifie.
Régularisation de tous les sans-papier ! Destruction des camps de rétention ! Ouverture des frontières !
Illustration par Mark Fletcher (CC BY-NC 2.0).