Depuis 2016, les différentes associations du Sanitas (CSF, CGT Indecosa-CGET, CNL, ATD/quart-monde…) sont mobilisées contre les démolitions prévues par l’ANRU dans le quartier. Malheureusement, et comme dans beaucoup de quartiers, leurs voix n’ont pas été écoutées et les différentes institutions (mairie, préfecture, ANRU) ont avancé tel un bulldozer. Plutôt que de continuer à subir, les associations ont tenté de s’immiscer dans de nouveaux espaces associés au projet de renouvellement urbain.
Début 2019, la Mairie de Tours lance un Appel à Projets Innovants, basé sur un partenariat public-privé. Parmi les 8 sites d’application de l’API, l’un concerne un îlot du Sanitas concerné par une démolition partielle dans le cadre de la rénovation urbaine du quartier. Face à cet objet peu identifiable, qui apparait comme une foire de l’immobilier local, les associations décident de se regrouper autour du centre social Plurielles pour proposer leur projet en partant des besoins des habitants et des travaux effectués par chaque organisation ces dernières années. Ce collectif s’associe à la SCOP ArchiEthic pour formuler une proposition de projet urbain.
Le projet porté par ce collectif est reçu par la mairie avec ceux des promoteurs immobiliers tels que Vinci et Bouygues. La mairie salue la qualité du travail produit par les collectifs, mais pointe l’absence de financements conséquents. Le collectif considère alors l’opportunité de s’associer avec un promoteur. Finalement, après avoir reçu un bon accueil et des garanties de coopération, le collectif présente une deuxième version co-produite avec Bouygues. Cette proposition est élue lauréate en janvier 2020, le centre social Plurielles devient co-mandataire d’un projet urbain avec Bouygues Immobilier.
La proposition lauréate prévoit notamment 1 600 m2 dédiés aux associations et au centre social, un programme en habitat participatif, des espaces dédiés aux jardins, etc. Ces éléments du projet ont été le fruit de négociations et de travaux en commun avec Bouygues Immobilier. Cette nouvelle position pour ces associations, composés de militants locaux, d’habitants et professionnels de l’action sociale et de la culture constitue à la fois un défi et une opportunité pour construire une ville plus juste, solidaire et durable.
Les partenariats publics-privés deviennent l’alpha et l’oméga de l’urbanisme. De nombreux travaux académiques ou journalistiques montrent le rôle central que jouent les promoteurs dans la construction de nos quartiers. Alors que les revendications d’une pratique plus responsable de l’urbanisme se multiplient, le renforcement du rôle des acteurs économiques interroge profondément la dimension démocratique de ces projets urbains. La collaboration fructueuse du Sanitas permet de poser deux questions centrales. La première porte sur les conditions nécessaires et suffisantes de la participation des habitants au projet urbain. Le projet n’aurait jamais pu réussir sans un engagement financier, matériel et politique important de l’ensemble des membres des collectifs du quartier. La seconde question interroge les représentants des pouvoirs publics, en particulier du maire et de son conseil municipal. La collectivité n’est plus à l’origine du programme (un équipement, des logements, des commerces, etc.) mais arbitres de différents scenarii programmatiques d’initiatives privées. L’origine de la programmation n’étant donc plus publique, cela questionne l’animation du débat démocratique et le rôle de garant de l’intérêt général.
Dans cette perspective, la réussite du projet du Sanitas doit être analysée en considération de l’engagement exceptionnel des acteurs en place. Cette expérience doit permettre d’identifier les moyens nécessaires (appui juridique, technique, etc.) à mettre en œuvre et les conditions politiques suffisantes pour que ces collaborations soient véritablement justes et démocratiques.