Rose pour les filles et bleu pour les garçons
L’Office du tourisme possède une boutique et une boutique en ligne. On n’a pas visité la première mais quand on est tombé sur la seconde, c’est peu dire qu’on a halluciné. À la fois sur les produits et sur leur présentation.
On commence par le seul bout de tissu mixte, un T-shirt « Plumereau ». Sur le principe, rien de bien méchant : un truc gris qui n’a pas l’air bien passionnant. Mais bon, on est vite happé par autre chose : il en existe un modèle dédié à chaque genre (plus clair pour les femmes), et les modèles virtuels qui les portent [1] revêtent des couleurs pour le moins emblématiques. Clairement, l’Office du tourisme semble nous jouer le grand classique sexiste du « rose pour les filles, bleu pour les garçons ».

Un coup d’œil global à la page nous montre que cela ne s’arrête pas aux T-shirts. Tous les « mannequins » féminins sont roses et tous les masculins sont bleus. Et souvent, ils portent des fringues bleues.


En effet, ces messieurs semblent se voir réserver deux exemplaires qui manquent totalement d’inspiration, dont un pathétique sweatshirt à capuche « keep calm and love Tours » [2].
Des tabliers pour les femmes...
En plus de ces T-shirts — et de divers mugs, calendrier, médailles et timbres de collection, etc. —, la boutique de l’Office du tourisme propose... des tabliers. Ces tabliers sont bien sûr portés par des « mannequins » féminins et roses. Logiquement, les femmes se voient ramener à la place qui est la meilleure pour elles : la cuisine. En plus, comme elles aiment le shopping (c’est bien connu), elles ont le choix : ce tablier pour femmes adultes se décline en quatre modèles : Tours, Fleur, Touraine et France. Par chance, un seul de ces modèles est rose. On compte même deux tabliers qui sont bleus. Malheureusement, ils sont présentés sur fond rose...

On remarque au passage que le modèle « France » passe un message qui, dans le climat actuel, est particulièrement ambigu. Ainsi, ce tablier (bleu) est notamment floqué des expressions « bistrots », « jambon beurre » et « l’apéro sur le zinc ». On voudrait nous dire qu’un femme française doit manger du porc et boire de l’alcool qu’on ne s’y prendrait pas différemment. Il est probable que l’Office du tourisme destine ces produits à une clientèle étrangère et veuille jouer pour cette raison sur le cliché vieille France, mais n’empêche...

On repassera donc a priori pour les messages émancipateurs. Mais, pour l’Office du tourisme de Tours, la libération des femmes passe sans doute par le fait que ces tabliers sont conçus pour être lavés en machine, une des rares particularités mentionnées par la boutique. Ça sonne presque comme une publicité Moulinex. Mesdames, réjouissez-vous, ça vous fera déjà un peu moins à frotter.
...et des versions enfants pour les « petites princesses »
Si ces messieurs se voient dédiés de beaux produits bleus, pour les enfants il n’y pas de « mannequins », et il n’est ainsi pas mentionné à quel genre est destiné le T-shirt proposé par la boutique (disponible en rose, vert et bleu). Si ce T-shirt pour enfants est mis en avant dans sa teinte bleu, aucun objet de la boutique ne semble spécifiquement réservé aux petits garçons. En revanche, les petites filles se voient réserver un magnifique produit : un tablier rose ! Pas de souci à se faire, elles seront bien éduquées et pourront imiter leur mère à la cuisine en portant du rose. On ne comprend pas le principe de faire un tablier pour les petites filles. On comprend encore moins le lien entre Tours (dont les couleurs n’ont jamais compris le rose), la couleur du machin, le dessin et la mention « petite princesse ».


On imagine que ces choix discriminants découlent surtout du fait qu’en marketing, le sexisme est un réflexe [3]. Ce marketing genré va en tous cas dans le sens des idées d’un certain nombre de membres de la majorité municipale, qui défilaient en 2013 contre le mariage homosexuel, et défendaient les stéréotypes de genre sous de ridicules drapeaux bleu pâle et rose. Dans ces manifs, il y avait le maire, mais aussi Édouard de Germay, Thibault Coulon ou Cécile Chevillard, par exemple. Du coup, ils ne doivent même pas avoir honte de se vautrer dans de tels clichés. Bienvenue à Tours.