Les enfants handicapés et sans-papiers privés d’école ?

En Indre-et-Loire, la scolarisation ne semble pas être une obligation pour tous. Voici l’histoire de K., élève handicapée, élève sans–papier, et élève sans école. RESF 37 demande des comptes.

K. est une enfant de 7 ans, encore scolarisée en maternelle. Et à la rentrée prochaine, elle ne pourra faire sa rentrée en CP. Pourquoi ? Parce qu’elle est sourde ? Non. Parce qu’elle est sans-papier, et que l’administration qui gère le handicap scolaire (la MDPH) lui refuse une place en école élémentaire, ainsi que l’aide humaine nécessaire à la prise en charge de son handicap.

Alors, elle est toujours à l’école maternelle, à 7 ans. C’est le paradoxe de l’obligation de scolarisation au sein de l’Éducation Nationale. Avant que l’enfant ait 6 ans, ce sont les mairies qui doivent assurer une place dans une école maternelle sur la demande des familles. Après 6 ans, c’est l’État qui doit assurer la scolarisation obligatoire de tous les enfants... Donc, K. devrait être en CP.
Voilà le paradoxe de l’Éducation Nationale, qui, si dans ses beaux discours ministériels, nous rappelle la nécessaire scolarisation de TOUS les élèves, dans les pratiques, ne respecte pas ses engagements [1].

K. ne peut entrer dans la scolarisation obligatoire, malgré son âge, car elle n’a pas de papiers. S’ajoute donc au parcours du combattant que représente la scolarisation d’un enfant handicapé, l’inhumanité d’un service de l’Éducation nationale. La MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), en refusant la prise en charge de son dossier, et en arguant de sa situation irrégulière, bafoue trois textes régissant la scolarisation en France :

-* Article L131-1 : L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans.

  • LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : Le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation.(...)
  • La circulaire n° 2002-063 du 20 février 2002 relative aux modalités d’inscription et de scolarisation des élèves de nationalité étrangère des premier et second degrés : elle précise qu’en l’état actuel de la législation aucune distinction ne peut être faite entre élèves de nationalité française et de nationalité étrangère pour l’accès au service public de l’éducation. Elle rappelle que l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, âgés entre six et seize ans, qu’ils soient français ou étrangers, dès l’instant où ils résident sur le territoire français.

En réaction à ce déni flagrant de la loi, RESF 37 interpelle les services de l’éducation nationale. Pour que K. puisse être scolarisée. Pour que la loi soit appliquée.






Voici la lettre de RESF-37 au Directeur Académique d’Indre-et-Loire relative au refus de scolarisation de la part de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) d’une élève handicapée sous la menace d’une OQTF (Obligation à quitter le territoire).

St-Pierre-des-Corps, le 19/05/2016

Réseau Éducation Sans Frontières (RESF 37)
BOURBON Patrick

à
Monsieur l’Inspecteur d’Académie
Directeur des services départementaux de l’Éducation nationale d’Indre-et-Loire

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Nous tenons à porter à votre connaissance la situation de Madame ***** G*** mère de deux enfants handicapées. La plus jeune A*** née le 28/03/2012 est IMC et est prise en charge par le CAMPS en hôpital de jour. La deuxième K*** née le 20/05/2009 est sourde profonde et est actuellement scolarisée à la maternelle Mignonne à Joué-lès-Tours (voir en pièce jointe le compte rendu de l’Équipe éducative du 10 décembre 2015). Par deux fois la maman a été déboutée de demandes d’accompagnant d’enfants malades et a reçu des OQTF (Obligation à Quitter le Territoire Français). Et par deux fois la MDPH a refusé de prendre en compte le handicap de K*** car sa mère ne se trouve pas en situation régulière.

Nous pensons que le refus par la MDPH d’orienter cette enfant dans un établissement spécialisé remet en cause l’obligation scolaire (elle aura 8 ans l’année scolaire prochaine et ne pourra évidemment pas être encore scolarisée en maternelle) et remet en cause la loi de 2005 qui oblige à la scolarisation les enfants handicapés. De plus la loi française considère qu’une personne mineure n’est pas en situation irrégulière sur le territoire français.

Nous espérons que comme nous, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, vous êtes scandalisé par la situation faite à cette mère et à sa fille et que vous interviendrez pour y mettre fin en direction de la préfecture, du Conseil départemental et de la MDPH.

Recevez, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, nos salutations les meilleures.

pour le RESF 37
BOURBON P.

Notes

[1A ce propos, la ministre de l’éducation nationale vient de se féliciter de la création de postes d’AESH (non, ce n’est pas un sigle lié à l’état d’urgence, c’est le nom barbare donné aux personnes qui aident les élèves handicapés dans les classes...) dans le cadre de la Refondation de l’école. A lire pour mieux comprendre la nuance entre promesse et réalité de terrain ! http://www.education.gouv.fr/cid102157/conference-nationale-du-handicap-2016-un-point-d-etape-positif-pour-l-ecole-inclusive.html