Lettre ouverte à Monsieur Philippe Chalumeau,
député LREM de la 1ere circonscription d’Indre-et-Loire,
membre de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le Député,
Combien a coûté l’opération de Notre-Dame-des-Landes du lundi 9 au samedi 14 avril 2018 ?
Je suis assez perplexe. 2 500 gendarmes avec blindés, armes, hélicoptères, drones, état-major de campagne... et tout ceci pour, au final, détruire deux boulangeries, une bergerie, une place de marché, une ferme, une grange et des potagers. La touche grotesque finale : le déplacement du premier ministre et du ministre de l’Intérieur (à l’école du gaz voisine, ça ne s’invente pas), venus poser dans une mâle attitude, une fois la razzia opérée. Cette sinistre fanfaronnade n’aura vraisemblablement servi à rien, puisque les habitants de la ZAD vont reconstruire, aidés en cela par des milliers de personnes, dont je suis, choquées par l’opération militaire, ou plutôt l’expédition punitive. Toujours est-il, que certains observateurs, parlent d’un budget, à la louche, d’un million par jour pour ces agapes.
« L’ordre règne, le paysage est en ruine »
Votre gouvernement voulait montrer ses biceps, nous n’avons vu qu’une déferlante barbare, destructrice. La majorité à laquelle vous appartenez est en capacité de saccager une zone de production agricole, ruinant ainsi les projets des habitant(e)s. Quel talent ! Quel courage !
Bravo, l’ordre règne, le paysage est en ruine, pollué de milliers de cartouches de grenades diverses, les plantations de printemps sont foutues, les serres défoncées, des centaines de personnes pacifistes sont blessées, certaines gravement. Votre mentor a beau clamer aux marches des églises qu’il faille restaurer le lien avec les tenants du goupillon, il entretient sa popularité au gaz lacrymogène et aux coups de matraque. Chez Jupiter, le vin de messe a une odeur de poudre à canon.
La presse, comme au bon vieux temps de la guerre d’Algérie, n’était pas conviée. Des images clandestines (on en est là) ont heureusement passé la censure militaire. On y voit de fiers pandores gazer de dangereux retraités, tirer à la grenade sur des jeunes gens et raser des bâtiment agricoles avec des blindés.
Les gendarmes n’étaient pas venus les mains vides : fusil FAMAS (arme de guerre), LBD 40 pour tir de grenades, MP5 (pistolet mitrailleur qui tire des balles de parabellum 9 mm). Tout ceci en plus des gazeuses, des flash-ball et autres tonfas. C’était aussi le salon de l’auto-mitrailleuse de Notre-Dame-des-Landes avec, en vedette, le VBRG, véhicule blindé à roues de la gendarmerie, équipé, modestement, de mitrailleuses de 7,62 et de lance grenade [1]. Jupiter est prudent.
Le porte-avions Charles de Gaulle n’a pas fait le déplacement. Aux dernières nouvelles, les gueux auraient perdu la bataille, incapables de protéger leurs maisons devenues ruines sous les brodequins.
Dans le même temps, plusieurs facs de France ont été investies par les CRS qui ont tabassé les étudiants en AG. Pouvez-vous me renseigner ? Les AG sont interdites aujourd’hui ? Un vote à l’assemblée aurait eu lieu en ce sens ? Je concède aussi que votre parti a gagné la bataille du savoir dans les facs, les CRS à coups de lacrymos et de tonfas ont déblayé Nanterre, la Sorbonne, et bien d’autres lieux de la chienlit. Jupiter cire ainsi les pompes du grand Charles.
Est-il nécessaire de pratiquer un tabassage en règle à l’encontre de celles et ceux qui pensent différemment de votre parti ? Vendredi 13 avril, au matin, à Tours, une manifestation de lycéen-nes (enfants de 15 à 18 ans, pour mémoire), était suivie par trois camionnettes de police. Les flics étaient armés, casqués, avec gilet pare-balles ! Pour des lycéen-nes ?
Depuis la mort de Rémy Fraisse (tir de grenade offensive par la gendarmerie, pas de procès, pas de coupable) il y a quatre ans, un déchaînement policier hors norme est d’usage pour toute contestation. Cette politique de junte est en augmentation depuis votre arrivée au pouvoir. Il n’est pas rare que les plus fragiles y laissent leur vie : une migrante nigériane enceinte, refoulée par la gendarmerie en toute illégalité, est morte le 31 mars dernier.
De Calais à la frontière italienne, la police arrête ou harcèle celles et ceux qui témoignent d’humanité envers les migrants. À Calais toujours, la police balance des gaz lacrymogènes pendant les distributions de repas. Lors des manifestations à caractère social, des militant-es sont tabassé-es, arrêté-es, ainsi que des journalistes.
Une violence à géométrie variable
Cette violence barbare est à géométrie variable puisqu’elle ne concerne pas les délinquants fiscaux (60 à 85 milliards par an), ni les fachos des facs de Montpellier ou de Strasbourg, ni la délinquance patronale (l’amiante tue encore 1 700 personnes par an en France).
Le procès de « Tarnac » a confirmé la pantalonnade de pieds nickelés montée par une ministre et un procureur en plein délire sécuritaire. Votre formation politique alimente les livres d’histoire à venir, il faudra se retenir de rire quand on verra que des centaines de blindés ont terrassé des brouettes dans une cour de ferme et que Jupiter parlait de l’État de droit.
À l’heure où nous fermons des hôpitaux, des écoles, des lignes de chemin de fer, des postes et des perceptions, au moment où vous amputez les revenus des retraités, sabrez les allocations logements, je serais heureux de connaître le coût des opérations de maintien de l’ordre, à commencer par celui de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi d’une façon globale celui lié au maintien de l’ordre dans les universités et dans les manifestations à caractère social.
Je pense qu’appartenant à la commission de la défense nationale et des forces armées, cette recherche ne devrait pas vous poser de problème(s) particulier(s) et j’espère donc vous lire rapidement.
Pour populariser votre réponse, je mets ce courrier en lettre ouverte dans La Rotative, journal collaboratif de Tours.
Salutations d’usage.
Michel ANCE,
habitant de votre circonscription,
Syndicaliste.