Tours, mardi 17 mai 2016. Environ 2 000 personnes manifestent contre la réforme du Code du Travail. Tout se passe sans incidents : la foule pousse les slogans habituels, les camions sonos jouent la Compagnie Jolie Môme, les étudiants chantent... un défilé tout ce qu’il y a de plus ordinaire en Touraine. Vers 17h30, à la demande des forces de police, Mathieu B., l’un des conducteurs des camions sonos, « stationné sur la partie de l’esplanade située derrière le trottoir » [1], quitte la place Anatole France.
Quelques jours auparavant, comme l’atteste le témoignage de plusieurs responsables syndicaux [2], le parcours de la manifestation était déclarée auprès des autorités compétentes. A cette occasion, le préfet, Louis Le Franc, autorisait le classique Place de la liberté-Place Anatole France, où la dispersion devait avoir lieu vers 18 h, après les traditionnelles prises de parole.
Entre intimidation et répression : une atteinte à la liberté de manifester
C’est donc avec une certaine stupeur que nous avons appris que Keolis, la société qui gère les transports en commun de la ville de Tours, avait porté plainte contre Mathieu B. pour avoir, ce jour-là :
« pénétré circulé et stationné sans autorisation régulière dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique, d’y faire circuler ou stationner un véhicule étranger au service. »
S’il est admis que la ligne du tramway et le trajet parcouru par le cortège coïncidaient ce 17 mai, il faut aussi admettre que cette manifestation avait été autorisée par le préfet [3]. De fait, en validant son parcours, Monsieur Le Franc ne pouvait ignorer les répercussions que cela occasionneraient sur le traffic, y compris la possible interruption passagère du tram. C’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il a permis à l’ensemble des manifestants de participer au cortège, et c’est donc sous sa responsabilité qu’a été emprunté le parcours négocié.
Par ailleurs, aucune loi n’oblige, pour manifester, d’aller individuellement se déclarer à la préfecture pour obtenir un laissez-passer [4]. Si cela devait arriver, cela porterait gravement atteinte aux libertés les plus élémentaires d’une démocratie. On ne peut donc reprocher à Mathieu B. d’avoir troublé l’ordre public puisqu’il manifestait dans le cadre prévu par la loi. A moins, bien sûr, que Keolis ne reconnaisse pas au préfet le pouvoir de sa propre juridiction [5]... En ce sens, il est pour le moins curieux, voire contradictoire, que le procureur ait donné suite à la plainte !
Enfin, il faut bien comprendre que si l’ensemble des véhicules utilisés lors de la manifestation gênait la circulation, pourquoi seul Mathieu B. est-il poursuivi ? A l’inverse, si l’ensemble de ces véhicules ne gênait pas la circulation, pourquoi poursuivre Mathieu B. ? En posant ces deux questions, ne peut-on être conduit à penser qu’il y ait une volonté de s’en prendre personnellement à Mathieu B., militant bien connu à Tours et membre très investi dans le mouvement des Free party ? A travers ce procès, l’État ne voudrait-il pas réprimer les mouvements sociaux et plus particulièrement un mouvement alternatif qui a su garder intacte sa radicalité ?
Mascarade judiciaire : relaxe pour Mathieu B. et toutes les victimes de la répression !
Ce n’est pas Mathieu B. qui devrait comparaître devant le Tribunal correctionnel de Tours, mais bien le Préfet d’Indre-et-Loire qui, en autorisant la manifestation du 17 mai 2016, est seul à l’origine du trouble dont se plaint Kéolis. Et si le Tribunal devait condamner Mathieu B., qu’il mesure l’impact de ce précédent en répondant d’abord à cette question : pourquoi demander une autorisation préalable de manifester s’il n’existe aucune garantie pour celles et ceux qui en respectent les termes ?
Les prisons sont bien réelles, les amendes aussi. En poursuivant des personnes comme Mathieu B., l’État dévoile toute son hypocrisie. D’un côté, il prône la liberté d’expression et donc de manifester ; de l’autre, il embastille et/ou rackette des militants pour tenter d’étouffer les mouvements sociaux et alternatifs. Moins l’État en parle, plus on entend le bruit sourd de la répression. Mais peine perdue, ils naissent, renaissent ou survivent, malgré tout !
Relaxe pour Mathieu B. ! Relaxe pour toutes les victimes de la répression de l’Etat !
Le Collectif anti-répression 37 appelle à un rassemblement devant le palais de justice, Place Jean Jaurès, Vendredi 9 février 2018, à 8h30 :Pour exiger la relaxe de Mathieu BerrierPour défendre la liberté de manifester et les libertés individuellesPour lutter contre la répression des mouvements sociaux et alternatifs