« En droit, la parole d’un policier vaut toujours foi jusqu’à preuve du contraire, c’est un principe. » Cette affirmation de Christophe Régnard, dans le cadre d’un article de Rue89 sur les violences policières [1], devrait lui valoir de retourner sur les bancs de la fac plutôt qu’une promotion à la tête du TGI de Tours. Malgré cela, le Conseil supérieur de la magistrature a proposé sa nomination ; sauf recours, il devrait prendre ses fonctions après l’été.
Les propos de Régnard avaient été recueillis suite à la publication d’un rapport d’Amnesty International accusant les policiers français de se croire « au dessus des lois ». L’ONG signalait que :
« Les homicides illégaux, les passages à tabac, les injures racistes et l’usage abusif de la force par les agents de la force publique sont interdits en toutes circonstances par le droit international. Or, en France, les plaintes pour ce type de violations des droits humains ne sont pas souvent suivies d’enquêtes effectives, et les responsables de ces actes sont rarement traduits en justice. »
Les propos de Régnard, membre de l’Union Syndicale des Magistrats, majoritaire dans la profession, permettent de comprendre l’impunité dont bénéficient les flics quand ils se livrent à des violences ou à des injures. Pour de nombreux juges, la parole des flics fait foi, même quand rien ne vient l’étayer ; tant pis pour les victimes, dont les plaintes seront classées. Régnard a même érigé cette complaisance en principe. Pourtant, le code de procédure pénale dit explicitement le contraire : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu’à titre de simples renseignements ». Il n’y a qu’en matière de contraventions et dans certains domaines délimités que les procès-verbaux des flics se voient attribuer une valeur probante particulière.
Dans un article intitulé « Sur les PV, l’outrage », la revue Délibérée [2] expliquait ainsi que dans les affaires d’outrages et rébellion, les flics « ne sont alors plus des simples professionnels et observateurs extérieurs de scènes auxquelles ils assistent, mais bien des acteurs susceptibles d’être mis en cause et ayant un intérêt direct à mentir. De nombreux exemples, relatés dans la presse, de falsification de la vérité dans des PV en témoignent dans les affaires de violences policières, ou d’outrages et rébellion – délits pouvant être mensongèrement imputés pour masquer des violences illégitimes ». L’article de la revue animée par le Syndicat de la magistrature suggérait également de prendre pour ce qu’ils sont les procès-verbaux établis dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre : de simples renseignements.
Dans un contexte où le pouvoir exécutif est incapable d’admettre la violence exercée par ses sbires, la nomination d’un tel juge à la tête du TGI constitue donc une mauvaise nouvelle. D’autant qu’elle fait suite à la nomination, début 2019, d’un nouveau procureur qui a officié auprès de Collomb et Castaner au ministère de l’Intérieur. Reste à espérer que Régnard profite de l’été pour réviser ses cours de procédure pénale.