Grands et petits projets inutiles et imposés
Jean Germain, maire de Tours, nous a habitué à brasser les idées écologiques dans une large démonstration communiquante de gadgets technologiques. D’une part, il a tiré toutes les ficelles éprouvées des élus socialistes et de droite : écoquartiers, label « Haute qualité environnementale » (HQE), développement durable, et bien sûr un tramway nommé dérive, au service des Vinci, Bouygues, Alstom et Eiffage, Citya, Nexity et compagnie. D’autre part, il a lancé des projets plus originaux, parfois « mégalo » qui ont tendance à s’évaporer :
- construire un pont habité sur la Loire ;
- remplacer la passerelle Fournier par un tunnel ;
- mettre une gigantesque statue de « Femme-Loire » soumise sur les coteaux,
- élever une haute tour près de la gare,
- recouvrir l’autoroute A10 de panneaux solaires,
- faire une passerelle sur la Loire pour aller voir des jardins thématiques sur l’île Simon,
- et dernièrement, installer un téléphérique pour franchir la Loire à Fondettes, là où il a validé la construction de cinq voies routières en oubliant de ménager un passage pour les vélos et les piétons.
Chacune de ces illuminations politiques est marquée du sceau de l’inutilité. GPII et PPII, ces Grands et Petit Projets Inutiles sont Imposés, au moins médiatiquement. Dans un second temps, l’irréalisme de leur concrétisation les pousse généralement dans la trappe de l’oubli et ils sont remplacés par d’autres mirages. Hier, le Prince avait de telles idées pour faire rêver le bas peuple ; aujourd’hui on fait le « buzz » sur des projets factices qui nous détournent des véritables problèmes.
Régression en matière écologique
Derrière ces effets de manche, la ville de Tours, pourtant censée être capitale du jardin de la France, marche à reculons en matière écologique : régression du patrimoine arboré et de la trame verte, minéralisation forcenée, densification excessive alors que les logements vides se multiplient... Dans les espaces minéralisés, la multiplication d’arbres en bac, déplacés à chaque saison comme des meubles verts, aggrave les émissions de gaz à effet de serre : la nature perd son rôle de « puits de carbone ».
Jean Royer avait déjà un bilan calamiteux, avec la destruction en grande partie du bois de Grandmont et le passage de l’autoroute A10 au cœur de l’agglomération. Le cumulard invétéré a étendu les ravages au reste de la ville et de l’agglo. L’invasion automobile s’est déplacée en périphérie, étendant la destruction de la trame verte avec des catastrophes environnementales dans la vallée de la Choisille ou sur l’axe Chambray-Veigné... Des acolytes comme Philippe Le Breton lui prêtent main forte, avec des opérations d’étalement urbain dont la plus destructrice en terres agricoles est située aux Courelières à Joué-lès-Tours. Bref, derrière le « buzz » qui souvent ne débouche sur rien, il y a une entreprise de destruction et de grignotage systématique de notre environnement.
Même s’il faut les prendre avec des pincettes, tous les classements publiés ces derniers temps montrent d’ailleurs que Tours est loin d’être une ville vertueuse en matière d’écologie : 24ème « ville verte » selon l’UNEP, jamais dans les dix premières villes selon les 5 classements d’Eco Terra. En comparaison, Angers n’a pas connu la même dégradation... Mais peu importe, Germain repart sur un grand coup de comm’ à fond les manettes, en postulant pour le titre de « Capitale verte européenne 2016 » !
L’impuissance des Verts
A côté des socialos se tiennent des « Verts » locaux aussi impuissants que leurs homologues nationaux. Ils n’ont rien su empêcher ces six dernières années, si ce n’est, en partie, le sauvetage des jardins ouvriers Saint-Lazare. Même sur la politique cyclable, pourtant si défaillante, ils n’ont rien su faire et ont encaissé le fumeux « guidon d’or ». Leur principal souci semble être de faire carrière et de s’intégrer dans les rouages du statu quo technocratique.
Pour s’intégrer convenablement, ils ont dû faire l’impasse sur l’invasion automobile, accepter la destruction de la trame verte et s’agiter comme des socialos pour faire preuve d’originalité dans le seul espace de liberté autorisé, celui qui permet de proposer des gadgets spectaculaires, à la Germain. C’est ainsi qu’ils ont décroché la timbale d’or du « Top 10 des pires projets pour les transports » sur le blog d’un journaliste du Monde dédié à la « mobilité quotidienne » :
« Le téléphérique qui relie deux gares. Pour aller de la gare de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) à celle de Tours, distantes de 2,6 km, prenez le… téléphérique ! C’est le projet des Verts tourangeaux, qui veulent "faire des gares de Tours et de Saint-Pierre de vrais pôles multimodaux" et "étudier la mise en place d’une desserte performante entre ces deux gares : l’option ‘télécabine urbaine’ paraît aujourd’hui la plus adaptée". Hé, les gars, entre deux gares, on peut aussi renforcer la fréquence des trains ! ».
Le site CarFree a surenchéri dans un article écrit par un Tourangeau : « Le pire projet de transport est un projet vert (sic) ». Trop archaïques les rails ? A leur décharge, les Verts sont poussés par la mauvaise volonté chronique de Réseau Ferré de France et de la SNCF, incapables de dialoguer avec les autorités territoriales pour le bien commun. On le voit aussi à Fondettes dans le refus d’accrocher une passerelle au pont ferroviaire. Comme une fuite face à cette difficulté, un téléphérique a l’avantage d’être « totémique » et permettrait sûrement de décrocher un nouveau label vert pour la ville. En fait, il sert de leurre technocratique en faisant l’impasse sur tous les problèmes réels de la qualité de la vie en Touraine.
Par cette fuite en avant technologique, les Verts montrent qu’ils sont capables d’encourager de Grands Projets Inutiles. Ils deviennent ainsi fréquentables aux yeux des transnationales du BTP et des cabinets de décoration urbaine.
Constant Chidaine