Dédiabolisation du Front National : un nouvel effort de TV Tours

Le 5 mai 2015, Daniel Fraczak membre récent du FN était l’invité du journal de TV Tours. Il a ainsi pu profiter d’un large temps d’antenne pour diffuser, sans qu’aucune contradiction ne lui soit apportée, le discours de normalisation du parti. Un parti que TV Tours ne veut vraiment plus qualifier d’extrême droite.

Le 5 mai 2015, l’invité du journal de TV Tours était Daniel Fraczak, membre du Front National d’Indre-et-Loire (et candidat aux départementales dans le canton de Langeais), présent pour parler de « l’actualité qui secoue le Front National ». Pour rappel, le bureau politique du parti d’extrême-droite a décidé de suspendre Jean-Marie Le Pen.

Fraczak est un membre récent du parti (il dit l’avoir rejoint après l’accession de Marine Le Pen à la présidence du FN), mais ça ne l’empêche pas de garder un grand respect pour l’ancien chef :

« Avec tout le respect qu’on doit à Jean-Marie Le Pen, tout le respect pour sa longue carrière politique — quarante ans à la tête du Front National —, pour son côté visionnaire, notamment sur tous les sujets qui ont trait à l’immigration. Il a averti moult et moult fois la situation qu’on vit actuellement, et on peut pas lui renier ça. »

Bien sûr, il ne nous dit pas ce que ces analyses sur l’immigration ont de « visionnaire », et le journaliste de TVTours Florent Carrière ne prend pas la peine de le relancer. Par contre, le journaliste demande à Fraczak s’il « condamne » les propos récents de Jean-Marie Le Pen. Et Frackzak assure que, « sans nul doute », il les condamne :

« Je ne partage pas... Nous ne partageons pas, en Indre-et-Loire et ailleurs, les propos de Jean-Marie Le Pen... Les derniers propos, notamment tenus dans le... cet espèce de torchon qui s’appelle Rivarol. »

Que disait Jean-Marie Le Pen dans ce journal ? Ni le journaliste, ni Fraczak ne le rappellent, mais il s’agissait notamment de réhabiliter le maréchal Pétain :

« Je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître (…) Je considère que l’on a été très sévère avec lui à la Libération (…) Je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal. »

Des propos que ne partageraient pas les militants du Front National en Indre-et-Loire ? On se permet d’en douter, vu que le parti a investi comme candidat aux élections départementales le petit Pierre-Louis Mériguet, également grand amateur du maréchal Pétain.

Fraczak explique ensuite ce qu’est le journal Rivarol, ce qui donne lieu à un échange un peu hallucinant avec le journaliste :

Fraczak : — [C’]est un magazine d’extrême-droite totalement opposé au Front National et qui l’a prouvé maintes et maintes fois par le passé.

Carrière (rigolard) : — C’est un peu étonnant d’entendre quand même ça dans...

Fraczak : — Nous ne sommes pas d’extrême-droite Monsieur Carrière !

Carrière (toujours souriant) : — Non, je ne dis pas que vous êtes d’extrême-droite forcément, je.. je dis que c’est assez étonnant d’entendre ce genre de réaction au FN. C’était pas forcément une habitude auparavant.

Comme ses collègues, Florent Carrière participe tranquillement à la banalisation du Front National, non seulement en invitant un cadre local du parti pour l’interroger sur les guéguerres internes, mais en plus en le laissant tranquillement affirmer que ce parti « n’est pas d’extrême-droite ». D’ailleurs, la suite de l’entretien consiste pour Fraczak à lire laborieusement des fiches sur lesquelles sont inscrites les éléments de langage du parti, sans contestation du journaliste :

« Le FN poursuit sa mue » « Nous sommes devenus un parti de gouvernement » « On est en capacité de gouverner la France, c’est très clair, et surtout de la sortir du marasme dans lequel l’a plongée le pouvoir UMPS depuis une trentaine d’années. » « Apparemment dire la vérité ça gêne, (...) la politique c’est dire la vérité aux gens, et ça fait trente ans, quarante ans qu’on la masque sous des dehors de considérations de bien-pensance. Il est grand temps qu’on dise la vérité aux Français. »

Le journal de TVTours aura donc, une fois de plus, offert au Front National une opportunité de se présenter comme un parti respectable, honnête, différent, et pas du tout d’extrême-droite. L’exercice, évidemment, se doublait de deux articles dans La Nouvelle République ; sans surprise, ces articles étaient signés par Olivier Pouvreau.

Illustration : Meeting du Front National, 1er mai 2012, par Blandine Le Cain