Des représentants de la CGT-Cheminots, de SUD-Rail et de FO-Cheminots ont d’abord fait un point sur la situation. « La porte du dialogue est fermée, il n’y a aucun avancée. » Comme l’explique le tract unitaire distribué :
« Le "pacte d’irresponsabilité" signé entre le gouvernement et les deux fédérations CFDT-UNSA ne répond en rien à la nécessaire réunification du système ferroviaire, à la question du financement et de la dette, aux conditions sociales des cheminots et, à terme, à un meilleur service public voyageurs et marchandises. Les cheminots n’ont pas besoin d’États Généraux du dialogue social mais de négociations sur leurs revendications. »
Ce pacte ne contient aucune garantie mais renvoie au débat parlementaire. Un cheminot a ironisé sur la position de l’UNSA, « qui arrête la grève alors qu’ils n’étaient pas dans la grève ».
Pour les cheminots de Tours, la direction de la SNCF commence à montrer des signes de fébrilité. Des cadres se voient forcés d’occuper des postes qui ne sont pas les leurs pour remplacer des grévistes. A Marseille, le responsable du pôle gestion finances a été envoyé dans les trains...
La grève a donc été reconduite à l’unanimité pour une nouvelle période de 24 heures. Des distributions de tracts à destination des usagers sont prévues pendant le week-end. « On va durcir le mouvement à partir de lundi » a annoncé un cheminot de SUD-Rail.
Pendant l’assemblée générale, un cheminot a témoigné de sa situation :
« Je pars à la retraite dans quelques semaines. Quand je suis entré à la SNCF, j’avais un statut, acquis par les anciens. Ma motivation, c’est que les jeunes partent dans les mêmes conditions que moi. »
S’agissant de ces conditions, on peut citer le sociologue Marnix Dressen, spécialiste des conditions de travail des agents du rail, dans un entretien accordé à Médiapart :
« Temps de travail inférieur à la durée légale, augmentation de salaire, gratuité des transports, etc., les agents de la SNCF sont souvent dépeints à l’image de la Cour des comptes en 2010 comme une caste de privilégiés arc-boutée sur ses acquis sociaux. Qu’en est-il réellement ?
(...) On aimerait bien que ces magistrats s’indignent d’autre chose que des « privilèges » des couches populaires. Car le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont l’indignation sélective. Que ne comparent-ils pas les ressources qui sont les leurs avec celles des universités ? [...] Il se peut que certains cheminots, comme c’est le cas dans toutes les entreprises de certains salariés, aient une durée de travail effective inférieure à ce que prévoient les textes.
En ce qui concerne les cheminots, cela peut tenir à des organisations du travail complexes, par exemple celle des conducteurs de train. Une fois un TGV amené de Paris à Nice, le temps de travail écoulé n’épuise pas complètement la journée de travail mais le solde ne leur permet pas non plus de tracter un nouveau train avant de bénéficier d’un repos. Il y a donc conflit de règles. Il semble préférable qu’un agent de conduite ne fasse pas tout à fait son temps réglementaire plutôt que dépasser ses horaires comme c’est très souvent le cas chez les opérateurs privés, où l’on voit des conducteurs de trains exploser leurs horaires au mépris d’une réglementation du travail en théorie particulièrement stricte dans le transport ferroviaire pour des raisons de sécurité.
Et les salaires ?
Alors là, il est plaisant d’en dénoncer le niveau. Les recrutements dans l’exécution se font à peine au SMIC. Comparons aussi les salaires des conducteurs de TGV avec celui des pilotes du transport aérien, du moins dans les compagnies héritières des opérateurs historiques, Air France par exemple. Et même au plus haut niveau du statut du cheminot, on est très loin des salaires qui se pratiquent dans les entreprises privées. Comparons ce que gagne un polytechnicien qui a décidé de faire carrière dans le transport ferroviaire avec les revenus de ses camarades de promotion qui ont opté pour l’industrie pétrolière… [...]
En fait, derrière toutes ces polémiques, se joue bien autre chose : ce que beaucoup reprochent aux grévistes de la SNCF, c’est de résister, de ne pas se laisser plumer et ravaler au niveau de leurs camarades cheminots des sociétés ferroviaires privées comme Euro Cargo Rail, premier concurrent de la SNCF dans le fret ferroviaire. »