Rami, jeune soudanais arrivé à Saint-Pierre-des-Corps en 2016, détenu au centre de rétention de Rennes depuis le 6 juillet dernier, a été expulsé le samedi 3 août à 14h15 à Khartoum au Soudan. Cette expulsion intervient alors que l’OFPRA devait faire connaître sa décision concernant la demande de réexamen de son dossier ce lundi 05 août. Certes, ce réexamen ne pouvait juridiquement suspendre l’expulsion. Cependant, chaque préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation que l’on nomme un pouvoir discrétionnaire. Qu’en est-il alors des valeurs fondatrices de notre république, du respect des droits de l’homme ? Et de l’humanité de notre préfète ?
L’ASFT alerte les médias et les pouvoirs publics depuis la menace de l’expulsion forcée de Rami, le 24 juillet dernier. La préfecture a bien eu connaissance de la mobilisation et les demandes de l’ASFT, soutenues par plusieurs mouvements et partis politiques. Madame la préfète a reçu plusieurs appels, emails et communiqués des soutiens de l’ASFT mais elle a décidé de les ignorer et d’obéir à des ordres administratifs, sans aucun état d’âme. Ce n’est pas la première fois que Madame Corinne Orzechowski fait preuve de zèle dans ses décisions et privilégie l’affrontement au dialogue. Elle n’a donc eu aucun problème en avril 2019 à ordonner une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’encontre de Rami qui a fui la dictature du Soudan en 2013 car il craignait pour sa vie après son arrestation aux abords d’une manifestation contre la vie chère durant laquelle il a été torturé.
Ce samedi 3 août, cette préfète a ordonné le retour au Soudan de Rami alors que nombre d’ONG alerte de l’incapacité à garantir la sécurité des rapatriés de force malgré la chute du régime du dictateur Omar el-Béchir en avril 2019. Ce jeune, clairement victime d’injustice, n’a eu aucune chance de défendre son dossier, suite à une première audition ratée (les recours ayant été invalidés pour des problèmes de délais et de dates, indépendants de la volonté de Rami).
La France représentée par ses préfets apparaît en totale contradiction avec les engagements internationaux qu’elle a pris et notamment le principe de non refoulement qui stipule qu’« aucun État ne refoulera de quelque manière que ce soit une personne vers un pays où sa vie ou sa liberté peut être menacée ». Il nous est insupportable d’imaginer Rami, emmené de force dans la voiture de police, entravé, espérant qu’un passager de l’avion se lève pour éviter l’expulsion et son arrestation par l’armée au pouvoir dès son arrivée à Khartoum. Le Soudan n’est pas un pays sûr : il sort de 30 ans de dictature, l’économie est au plus mal (80% du budget réservé à la « sécurité »), des Janjawids qui violent, torturent... une situation politiquement et économiquement instable.
Avec cette expulsion, Madame la préfète a piétiné les droits de l’Homme et le principe de non refoulement. Cette représentante de l’État a bafoué les obligations des pays européens en matière de respect des droits humains (droit d’asile, principe de non-refoulement, interdiction des traitements inhumains et dégradants, droit à la vie, etc.). Cet acte révèle-t-il le cynisme choquant d’un pouvoir administratif supérieur à la vie d’un homme venu demander refuge ? Alors même que des centaines de personnes meurent en Méditerranée pour rejoindre notre pays, alors même que des centaines de soudanais ont été tués ces derniers mois, alors même que les budgets pour « sécuriser » les frontières explosent, la France expulse au Soudan.
Cette expulsion scandaleuse est une faute morale et politique, qui salit l’honneur des citoyens et trahit tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la France : liberté, égalité, fraternité. L’ASFT contactera dès cette semaine le ministère de l’intérieur et le président de la république afin que des explications soient données sur les expulsions au Soudan alors même que la situation de ce pays est loin d’être stabilisée et que chaque semaine compte de nouveaux morts. Qu’est devenu Rami ? L’État français doit répondre des conséquences de ses décisions. Madame la préfète peut-elle nous garantir du sort des personnes que la France expulse ? Peut-elle nous dire où est Rami aujourd’hui ? Est-il toujours en vie ?
L’ASFT appelle toutes les forces citoyennes, associatives, politiques et syndicales à « une convergence militante » afin que les causes se rassemblent, pour dénoncer les dérives du gouvernement et de ses représentants. Une journée de mobilisation et de sensibilisation sera organisée le 21 septembre.
Le collectif « Accueil Sans Frontières en Touraine »
Contact : asf.touraine@gmail.com