Ces propos ont été recueillis mi-octobre auprès d’une militante qui vient en aide aux exilés. Depuis, rien n’a changé, si ce n’est que les températures ont baissé.
Tous les soirs, le 115 répond qu’il n’y a pas de places d’hébergement. Ils doivent avoir au moins 100 personnes dehors chaque soir, dont de nombreux enfants. Un soir, il y avait trois femmes, dont deux avec des jeunes enfants, sans solution d’hébergement. Deux jours plus tôt, il y avait neuf enfants et quatre adultes sans solution. Parfois, les enfants laissés à la rue n’ont pas plus de trois mois !
Un autre soir, on comptait deux familles tchétchènes à la rue : l’une d’elle a obtenu une solution temporaire, après que la mère ait accouché ; l’autre était dehors, malgré les gros problèmes de santé du mari. Une autre famille, originaire du Kosovo, était à la rue avec trois enfants — la mère est malade. Il y a plein de gens dehors.
« Le 115 est à côté de ses pompes »
Récemment, le 115 a accepté de loger une mère avec son bébé, mais voulait laisser le père et le fils de cinq ans dehors... Un homme souffrant d’apnée du sommeil, et qui se baladait avec ses bonbonnes d’oxygène, est restée des semaines à la rue, sous prétexte qu’il n’y avait pas de place « adaptée ». Parce que dormir dans la rue, c’était adapté ? On a le sentiment que le 115 est à côté de ses pompes. Enfin, heureusement, la présidente de l’Entr’aide Ouvrière (qui gère le 115 au niveau départemental pour le compte de l’État) a reçu la médaille du Mérite national...
Les gens appellent le 115 chaque jour, en fin d’après-midi, pour se voir répondre qu’il n’y a aucune place disponible. Certain-es habitant-es de l’agglomération proposent d’offrir un hébergement temporaire, mais ces solutions sont toujours précaires.
Dans son bulletin de septembre 2017, l’association Entr’aide Ouvrière indique qu’au mois d’août, 1 703 demandes d’hébergement se sont soldées par un refus (cumul sur le mois pour un total de 3 774 appels au 115).
On voit arriver de nombreux mineurs isolés qui sont laissés dehors. L’Aide sociale à l’enfance n’en prend presque aucun. Pour certains, on trouve des solutions chez des particuliers, d’autres partent vers une autre ville avec l’espoir d’y trouver une solution. Ce sont souvent des jeunes de 16 ou 17 ans. L’administration les accuse systématiquement de présenter des faux papiers, ou de les avoir usurpés. Quelques places d’hébergement ont été ouvertes pour ces mineurs isolés, mais elles ne sont pas toujours adaptées à leur âge, et certains n’ont aucun accompagnement. L’ASE est en dessous de tout ! Et l’Entr’aide Ouvrière a accepté de s’occuper des mineurs, mais sans les budgets nécessaires.
« Il y a plein de locaux vides qui pourraient accueillir ces personnes à la rue »
Auparavant, on comptait dans l’agglomération quelques hôtels pas chers dans lesquels une association comme Chrétiens Migrants pouvait prendre des chambres pour des personnes à la rue. Mais ces hôtels ont fermé, et il n’y a plus rien en dessous de 35 euros. Les dons reçus par l’association ne permettent plus de couvrir ces dépenses d’hébergement. Le problème, c’est le manque de places stables ! Pourtant, il y a plein de locaux vides qui pourraient accueillir ces personnes à la rue, y compris d’anciens locaux du Centre communal d’action sociale (CCAS).
Chaque soir, des gens sont en pleurs. La situation est toujours aussi révoltante.
On ne sait toujours pas quand démarrera le plan hivernal — au 07 novembre, les associations locales n’étaient toujours pas informées de la date de mise en œuvre de ce plan hivernal, ni en quoi il consistera... Il est fort à craindre que les « places » ouvertes ne suffiront pas à héberger toutes les personnes à la rue. Et il faut voir dans quelles conditions les gens seront hébergés... Un gymnase sans intimité pour les hommes, quelques places à droite et à gauche où les gens s’entassent... Quand se décideront-ils à ouvrir des logements ?
Illustration : enfants à la rue à Tours, en janvier 2015 (déjà !)