Brésil : un jeune anarchiste incarcéré pour avoir déchiré des décorations liées au mondial de foot

Dans la ville de Natal, au Nord-Est du Brésil, Lindifran, jeune militant anarco-punk, a été incarcéré après avoir montré son hostilité à l’égard de cet événement en déchirant les décorations municipales. Motif de l’emprisonnement ? « Dommages au patrimoine public ». A quelques jours du coup d’envoi de la coupe du monde au Brésil, la répression des mouvements sociaux continue.

Alors oui, selon les autorités publiques, déchirer un bout de tissu sur lequel figure des symboles destinés à la Coupe du Monde est un « dommage au patrimoine public », n’est-ce pas ?!

Et la mort de travailleurs sur les chantiers de construction des stades en raison des conditions de travail précaires, et la super-exploitation de la main d’œuvre, et les expulsions des habitants les plus pauvres des maisons qui se trouvaient aux alentours des stades, et les quantités faramineuses d’argent public « empruntées » (pour la réalisation de cet événement par une entité privée) en conditions« fraternelles » et délais « à perte de vue » etc, etc. Rien de tout cela n’est un « dommage au patrimoine », n’est-ce pas ?! Bien sûr que non : ce sont des moyens d’augmenter le patrimoine !!! Mais, le « public » ?!

Encore aujourd’hui le « sens commun » suit la campagne de stigmatisation faite par des puissants contre Lindifran.

Ce que Lindifran a fait est une action punk anarchiste, une expression de rébellion et de souveraineté d’une conscience singulière (originale) qui n’a rien à voir avec le « politiquement correct » des « bon(ne)s gens » qui souffrent de « normose » et ne réussissent pas à voir outre les règles établies par les puissant(e)s ! Ceci n’a rien à voir non plus avec le fait de vouloir « coller à l’intérêt et à la sympathie populaire » et/ou « provoquer des impacts profonds dans la conscience populaire » !

Si tout rebelle à la conscience souveraine se laissait guider par ces paramètres légalistes et/ou populaires, Galilée n’aurait pas fait ses études, Oscar Wilde n’aurait pas publié ses œuvres, Henry David Thoreau n’aurait pas été emprisonné pour sa théorie et pratique de désobéissance civile et, avec cela, influencé Mahatma Gandhi (qui a déchiré sur une place publique son document d’identification officiel anglais et, plus encore, a incité tous les citoyens colonisés à faire de même !), etc, etc… !

L’histoire démontre que ce sont les rebelles qui, avec leur conscience souveraine, refusant les limites établies par la « normose » du sens commun et les rênes des systèmes de pouvoir établis, arrivent à étendre la compréhension et les espaces de liberté. Si par chance ils y parviennent, avec l’exemple de leurs actes, ils « évacuent » la stupidité propre aux majorités et étendent, en conséquence, la compréhension et les espaces de liberté pour le collectif ! Pour cela même ils sont stigmatisés par les puissants de toutes les époques et systèmes dans les termes de « criminels », « subversifs », « vandales », « terroristes », « anti-démocratiques » et, également, « contre-révolutionnaires » (ceci si ces derniers se trouvent dans des « socialismes » ou « communismes » d’État) !

Si tu te trouves à vouloir guider l’intérêt et la « sympathie populaire » par les rituels stériles de la démocratie représentative (dont le masque est aujourd’hui tombé pour la plupart des citoyens européens qui s’abstiennent en masse durant les élections), ou si tu te prends à aduler les puissants pour préserver ton petit salaire gagné avec la subordination quotidienne, il apparaît clairement que tu n’as rien d’un lion (et pour cela tu n’as aucun moyen de comprendre ne serait-ce qu’un acte de liberté comme celui-ci), que jamais tu ne voleras le feu de la liberté de(s) dieux et, alors, il vaut mieux que tu laisses ton maigre intellect aux puissants afin qu’ils fassent de ce dernier cela même que Lindifran a fait avec les symboles du pouvoir !

Vantiê Clínio Carvalho de Oliveira — Chercheur en Sciences Sociales

Le texte, publié initialement en portugais, est disponible sur la tribune Carta Potiguar. Titre initial : « Lindifran, l’ode aux drapeaux... punk et anarchistes ! »

Illustration : Victor Teixeira, illustrateur latino-américain indépendant, brésilien et de gauche.

P.-S.

Et pour continuer sur le sujet, vous pouvez réécouter en ligne une émission récemment diffusée sur Radio Libertaire qui comptait avec la participation de Vantiê Clínio Carvalho de Oliveira. Le lien vers le documentaire (sous-titré en anglais) cité dans l’émission et relatant les manifestations de juin 2013 à Fortaleza est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=RYpGJZFmIc8