Aide aux migrants : état de l’engagement citoyen à Tours

Dans son dernier bulletin, le Cercle de silence de Tours fait le point sur la situation locale en matière d’hébergement d’urgence et d’accueil des migrants. Parce que les services sociaux ne remplissent pas leurs missions, les réseaux de solidarité s’activent.

Pour ce qui concerne Tours, en ce mois d’avril 2017, fin du plan hiver, le constat le plus criant est l’impuissance permanente des services de l’action sociale locale à régler le grave problème de l’hébergement d’urgence, qui se trouve, comme chaque année, renforcée par la fermeture des structures de mise à l’abri pour l’hiver.

Le 115, qui laisse en moyenne tous les soirs depuis des années soixante personnes à la rue, dont un tiers d’enfants, ne sait plus répondre aux demandes qui le submergent, et chaque jour c’est aussi soixante à soixante-dix personnes qui demandant à être nourries et qui sont laissées à la charge de l’initiative privée.

Le manque permanent de 200 places d’hébergement, comme la nécessité de procurer de la nourriture, dénoncés par toutes les associations d’aide aux personnes démunies de la ville depuis plus de cinq ans, ne sont pas encore pris en compte concrètement.

Le prétexte budgétaire mis en avant pour justifier ces difficultés d’agir ne résiste pas à l’analyse comparative faite entre le coût de revient de la prise en charge d’une famille par l’association « Emmaüs 100 pour Un » (1 100 euros par mois, soit 13 200 euros pour trois ou quatre personnes ) et celui d’une place en CHRS (entre 10 000 et 12 000 euros pour une seule place).

Si la dénonciation du manque de places d’hébergement semble être entendue et que des efforts ont été enregistrés dans la création de nouvelles places, la situation à Tours reste dramatiquement criante en particulier pour les personnes étrangères primo arrivantes, que la PADA ne peut pas accueillir, et pour les déboutés que les CADA ne peuvent plus héberger. Ce sont trente personnes étrangères qui chaque soir sont en quête d’un logement pour la nuit et qu’il faut aussi nourrir. Le refus de prise en charge de nombreux mineurs isolés étrangers par l’Aide Sociale à l’Enfance, qui rejette 90 % des demandes, est particulièrement inquiétant, surtout quand il s’agit de jeunes filles.

Face à des responsables politiques qui ne peuvent pas résoudre humainement le problème de la prise en charge des personnes pauvres, réfugiées, marginalisées, et à des pouvoirs publics locaux paralysés par des influences politiques néfastes et des directives restrictives à Tours, comme partout en France, les réseaux d’accueil des étrangers sont en plein développement et la solidarité citoyenne avec les migrants se renforce.

A Tours, constatant une vraie urgence sociale, des centaines, voire plusieurs milliers de citoyens bénévoles, militants et donateurs se sont mobilisés en réseaux, depuis des années , sans subvention, pour porter ce qui peut devenir un vrai projet de société solidaire complétant l’action des services sociaux pour accueillir et accompagner, sans condition, de nombreux étrangers que ceux-ci ne peuvent pas prendre en charge .

Des stratégies de rechange s’élaborent et des rapports de force se créent dans l’opinion. C’est plus de 80 associations ou organisations regroupées en une quinzaine de réseaux qui interviennent en permanence ou ponctuellement, depuis des années, pour porter assistance aux migrants en Touraine. C’est une intervention permanente et complète qui depuis près de 20 ans s’est progressivement mise en place et qui recouvre tous les besoins de ceux qui demandent asile et protection dans notre ville :

  • accueil sans condition de tous, y compris des mineurs isolés et des réfugiés ;
  • aide à la survie immédiate (nourriture et soins) ;
  • hébergement d’urgence en hôtel ou chez des particuliers, temporaire dans des familles, pérenne en appartements ou dans les paroisses ;
  • suivi des dossiers de séjour, scolarisation des enfants, accès à l’université, à la culture et aux loisirs, paiement des taxes, défense en justice, défenses des travailleurs sans papiers ;
  • opposition aux expulsions ;
  • information de l’opinion (interventions dans les média locaux, nationaux et alternatifs, groupe de réflexion et de pression).

Ce travail citoyen ne peut rester en dehors de celui que mène l’administration locale pour tenter de résoudre le grave problème des personnes sans abri dans le département, et dont elle a légalement la charge avec la collaboration des sous-traitants qu’elle rémunère et qui sont également partenaires de l’action bénévole

Une coopération de l’ensemble de ces acteurs de l’intervention sociale nous semble donc urgente. Elle est possible, l’expérience de nos pratiques communes récentes en est la preuve (accueil des réfugiés chrétiens d’Orient, des déplacés en CAO, résorption du problème de l’hôtel Liberté, etc.). L’organisation rapide d’une réunion publique avec les responsables de l’administration (État -Préfecture et DDCS, Département et Villes de l’agglomération) s’impose donc d’urgence pour trouver ensemble une solution adaptée et pérenne aux problème récurrents de la prise en charge sociale des sans abri à Tours.

Nous appelons à résister face au basculement vers une forme de résignation, d’indifférence. Nous sommes angoissés car des hommes, des femmes, des enfants, sont en situation d’expulsion, et les politiques ne s’en emparent pas, mais nous sommes aussi plein d’espoir car des millions de Français sont engagés au quotidien pour trouver des solutions.