Dans un récent article de la Nouvelle République consacré aux (nombreux) « interdits de l’été », le journaliste Samuel Magnant s’attarde sur la question de la promenade « torse nu ».

« Peut-on se promener torse nu dans la rue ? » Franck Boyer, directeur de la police municipal, apporte la réponse : « Il n’y a aucun interdit. Aucun arrêté préfectoral comme municipal n’a été pris dans ce sens. C’est vrai que dans certaines villes, des interdictions ont été prises mais pas à Tours. » Torse nu, certes pour les hommes, en revanche pour les femmes, une promenade seins nus n’est pas autorisée, on parle alors « d’exhibitionnisme ».

Retenons donc qu’à Tours la promenade « torse nu » est seulement interdite... aux femmes. Pour celles qui seraient tentées, vous serez d’office taxées « d’exhibitionnisme ». D’ailleurs, la police veille au grain : « En cas de tenue un peu trop courte, la police municipale privilégie la prévention ». Et oui mesdames, en société nos corps n’ont plus la même valeur qu’en anatomie : on ne parle pas du « torse » des femmes mais de leurs « seins » [1]. Pour celles et ceux qui ne seraient pas convaincus que les mots sont importants : dans la langue française, les termes utilisés pour parler des hommes et des femmes masquent un profond mépris de ces dernières [2]

Mais l’article ne va pas plus loin. Ce constat est sans doute apparu on ne peut plus banal aux yeux de M. Magnant et le problème est bien là : cette banalisation des différences de traitement entre hommes et femmes l’empêche de mettre en avant et d’interroger le caractère sexiste de cette interdiction. Dans cet article, le journaliste-aveugle-au-sexisme n’est évidemment pas en mesure de se pencher sur les raisons des différences de traitement estivales entre hommes et femmes qui révèlent pourtant la persistance dans notre société de la domination masculine et du patriarcat. Quel dommage pour les lecteurs et les lectrices, le sujet de la promenade « torse nu » qui passionnait tant l’équipe de rédaction de la NR est déjà baclé, euh, pardon, bouclé.

Ceci dit nous vivons dans un monde fait de contradictions : dès qu’il s’agit de vendre un produit (du savon aux bagnoles en passant par le parfum et le dentifrice) on use et on abuse du corps des femmes et plus particulièrement de leurs parties sus-désignées comme intimes c’est-à-dire leurs fesses et leurs seins. Cette publicité sexiste qui sature aujourd’hui nos espaces publics (et parfois privés) est, elle, parfaitement légale et autorisée.

A New York, une loi de 1992 autorise les femmes à se promener seins nus partout où les hommes ont le droit d’être torses nus. Je ne vais pas vous proposer de jouer les Femen mais mesdames, si le cœur (ou la chaleur) vous en dit : un simple ruban adhésif scotché sur vos tétons devrait pouvoir faire l’affaire ! Reste à savoir si l’amende sera proportionnelle à la taille de nos miches auquel cas je suis, personnellement, plutôt tranquille...

Féministement,

Gabriela