Un taux horaire brut de 4,44 euros, soit 45 % du SMIC. C’est la rémunération de misère versée à la vingtaine de détenus de la maison d’arrêt de Tours qui travaillent en atelier. L’information est contenue dans un « long format » que La Nouvelle République consacre à la prison. Le quotidien évoque également une rémunération « à la pièce » : un mode de rémunération fréquent dans les ateliers, mais illégal d’après l’avocat Sylvain Gauché, qui a engagé de nombreux recours contre l’administration pénitentiaire concernant des problèmes de travail en prison.
Si le travail en prison « donne un rythme », d’après La Nouvelle République, il fait l’objet de vives critiques de la part d’associations comme la section française de l’Observatoire International des Prisons. L’OIP parle d’une « servitude organisée » :
« Sans contrat ni statut, les personnes détenues vivent la condition des ouvriers d’avant le salariat et les luttes syndicales. La protection sociale est aux abonnés absents. Quand on est malade, ou victime d’un accident, les revenus s’arrêtent, et il n’y a pas de compensation. »
Pour l’administration pénitentiaire, le travail est un outil de gestion de la détention – tantôt de pacification, tantôt de discipline. Les critères d’accès à l’emploi sont flous, les détenus souhaitant travailler étant soumis à un système d’attribution des postes qui oscille entre l’opacité et l’arbitraire.
Les détenus, variable d’ajustement pour les entreprises
A Tours, trois entreprises utilisent le travail des détenus. Une solution présentée comme « avantageuse » par le ministère de la Justice, qui met notamment en avant le « gain financier » et la « flexibilité » qu’elles peuvent en tirer : « un mode de rémunération basé sur la production réelle et des charges patronales moindres » ; « une souplesse et une réactivité qui permettent de mobiliser rapidement un grand nombre d’opérateurs pour répondre aux commandes ». Sur son site, l’OIP présente le revers de cette flexibilité :
Une fois le poste acquis, la régularité du travail n’est pas non plus garantie. Tout dépend des besoins du concessionnaire. La main-d’œuvre pénale, sollicitable à merci, constitue souvent une variable d’ajustement pour les entreprises. En cas de production à flux tendu, on mobilise beaucoup, puis cela s’arrête, sans indemnité. « Je travaille épisodiquement », déplore ainsi un détenu. « Ils ne m’appellent qu’un à deux jours par semaine. » Mais, chaque matin, il faut se tenir prêt, sans savoir si on sera appelé. [1]
Bien que les rémunérations soient misérables, le travail reste l’une des seules sources de revenus pour les détenus, ce qui explique qu’un certain nombre d’entre eux demandent à pouvoir travailler – d’après La Nouvelle République, à la maison d’arrêt de Tours, cinquante-cinq détenus sont sur liste d’attente. Avoir un peu d’argent, c’est pouvoir améliorer l’ordinaire, louer un téléviseur, s’acheter quelques denrées, moins peser sur ses proches et surtout sortir de la dépendance totale vis-à-vis de l’administration, ou de codétenus plus fortunés. Dans un univers contraint, travailler c’est aussi avoir la possibilité de se déplacer. Et échapper, plus longtemps qu’avec toute autre activité, à la cellule.
Actuellement, la maison d’arrêt de Tours compte 227 détenus pour 145 places. Soit un taux de surpopulation de 160 %.