Sur la route des non-scolarisés

Quelques jours après la rentrée scolaire, une cinquantaine d’enfants non-scolarisés et leurs parents longeaient le canal du nivernais en vélo pour fêter leur non-rentrée des classes. Radio Talweg en a profité pour leur tendre le micro. Alors que le président annonce une scolarisation obligatoire pour tous, c’est l’occasion de faire un détour pour comprendre les raisons de l’école à la maison.

Introduction

Pour la troisième année consécutive, une cinquantaine de parents et d’enfants non-scolarisé·es organisait une balade à vélo le long du canal du nivernais dans le Morvan pour marquer leur non-rentrée des classes. Pendant 4 jours - du 5 au 8 septembre - ils et elles ont donc pédalé une vingtaine de kilomètres par jour, pour camper, jouer et se raconter des histoires autour du feu la nuit tombée.

Nous sommes deux à les avoir rejoints et à les avoir enregistré pour Radio Talweg. Tous les portraits sonores sont à écouter sur le site de Dijoncter.info, mais on s’est dit que c’était l’occasion de reposer quelques bases à propos de la non-scolarisation des enfants.

Quelques bases

Le cadre légal

L’école n’est pas obligatoire, mais l’instruction oui. Ce qui signifie qu’on peut décider de ne pas mettre son enfant à l’école, si on est en capacité de lui apporter nous-même un cadre d’apprentissage.
Quand on décide de ne pas scolariser un enfant, il suffit donc de le déclarer en mairie :

La loi oblige toute personne désirant pratiquer l’instruction en famille (à distinguer de l’inscription à un organisme d’enseignement à distance en classe complète) à déclarer, auprès de la mairie et de l’inspection académique dont elle dépend, qu’elle prend en charge l’instruction des enfants dont le nom et la date de naissance sont spécifiés. Cette déclaration doit avoir lieu à chaque rentrée scolaire à partir de celle de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de 3 ans, et jusqu’à l’âge de 16 ans.
Site de LED’A

Ensuite, la mairie fait une enquête sur les raisons de cette non-scolarisation, l’état de santé de l’enfant et les conditions de vie de la famille, qui est renouvelée tous les 2 ans. Puis, l’inspecteur de l’académie réalise des contrôles au moins une fois par an pour « vérifier que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction ». En pratique, ces contrôles donnent lieu à beaucoup de conflits entre différentes manières de concevoir ce que doit comprendre cet enseignement.

Les raisons de la non-sco

Les raisons pour lesquelles les parents décident de ne pas scolariser leurs enfants sont vraiment très multiples et peuvent être tout à fait opposées. Des catholiques intégristes qui refusent que leur enfant lise un autre livre que la bible aux libertaires anarchistes qui militent pour l’autonomie et le choix d’apprentissage des enfants. De celles et ceux qui embarquent leurs enfants au bout du monde à travers de grands voyages à celles et ceux qui veulent leur apprendre la vie de la ferme et les rythmes longs des cultures. De celles et ceux qui gardent un souvenir traumatisant de leur scolarisation, à celles et ceux qui ont adoré l’école mais trouve qu’elle ne va pas assez loin.

Face à l’institution républicaine que représente l’école, il y a bien des débats à avoir sur la « liberté » d’apprentissage, qui soulève bien des questions politiques. On était tenté d’écrire quelques lignes théoriques sur la liberté, le libéralisme et les libertaires... Mais plutôt que de se lancer dans une démonstration théorique, on se dit que la meilleure manière d’apprendre des choses sans préjugés abstraits, c’est de vous laisser écouter les paroles des premier·es concerné·es.

L’instruction en famille est déclinée de manière très différente et vécue de manière politique de façon très différente d’une famille à une autre, donc il y a une grande mixité sociale parmi les familles qui pratiquent l’instruction en famille. Si je veux caricaturer un peu, je pense qu’il y a des familles qui font l’IEF en disant « J’accouche à la maison, j’allaite mes enfants pendant 6 ans et je leur fais l’école parce que je veux qu’ils deviennent l’élite de la nation, et je veux leur donner tous les moyens pour développer leurs capacités et les services publics nous tirent vers le bas, nous tirent vers le peuple ». Et puis il y a d’autres courants, d’autres familles, pour qui y’a un grand désir de liberté, une grande confiance naturelle dans les capacités de l’enfant. Et ça, ça demande aux parents un grand lâcher-prise.
Extrait d’un entretien avec Marion

Pédagogies hors des murs

Les parents que nous avons rencontré nous ont beaucoup parlé de la différence entre « homeschooling » et « unschooling » : la différence entre le fait de faire l’école à la maison ou de ne pas la faire.
L’école à la maison prend de multiples formes, mais son idée générale est d’essayer globalement de suivre les programmes scolaires, à travers des enseignements « formels », c’est-à-dire concrètement en proposant ou en imposant des moments d’enseignement qui s’apparentent à l’école.
Le « unschooling », qu’on traduit en français par « apprentissage autonome », part du principe que l’enfant apprend ce qui l’intéresse de façon autonome, et que les adultes ne sont là que pour nourrir les intérêts de l’enfant lorsqu’ils apparaissent [1].

Certains parents suivent rigoureusement l’une ou l’autre des méthodes, mais beaucoup d’autres ont l’air de faire de joyeux mélanges, on vous laisse les découvrir dans les interviews.

Pour notre groupe de la Nièvre, il y a une bonne majorité de famille qui croit en le Unschooling. Ça signifie « ne pas enseigner », ne pas mettre l’enfant dans un système institutionnel pour lui apporter les choses dont on s’imagine qu’il a besoin.
C’est aussi le fait de choisir de ne pas prendre la place d’enseignant et d’enseigner à nos enfants.
C’est plus un truc d’accompagnement, d’offrir les outils, les possibilités de faire. D’être à l’écoute, et quand il a des questions, on peut essayer ensemble de trouver les réponses. Si moi j’ai les réponses parce que ma vie a fait que j’ai répondu à ces questions-là, je peux apporter des éléments de réponses. Et si on les a pas, on va chercher ailleurs, chez d’autres gens, dans des livres, etc.
Extrait d’un entretien avec Marion

Paroles déscolarisées

Ces interviews se sont déroulées le lundi 7 septembre. Nous étions deux à poser des questions. En tout cas jusqu’à ce que d’autres se prennent au jeu avec nous. Nous avons retranscrit certains passages qui nous ont particulièrement marqué. Mais les enregistrements sont beaucoup plus riches.

Toutes ces paroles sont à lire et à écouter sur le site de dijoncter.info.

Notes

[1À ce sujet, vous pouvez regarder le film Être et devenir, dont la bande annonce est ici : https://invidious.site/watch?v=tKO4BLhdlSI