Les maires de Courcoué, Chaveignes et La Tour Saint Gelin s’opposent au projet d’augmentation de cheptel d’une ferme de Courcoué qui est passée sans autorisation de 350 vaches à 550 et qui souhaite aujourd’hui « régulariser sa situation » mais aussi « continuer à développer l’exploitation » en augmentant maintenant jusqu’à 680 vaches. L’enquêteur public a rendu un avis favorable à cette double demande de régularisation et de nouvelle augmentation [1]. La Confédération paysanne plaide, comme les maires [2], pour que la préfecture ne suive pas cet avis favorable et rejette la demande d’extension.
Sur cette ferme, il y a eu illégalité et visiblement absence de contrôle par l’État, ou alors inefficacité de ce contrôle. La ferme a augmenté son effectif sans autorisation et utilisé un forage existant sans le déclarer. La préfecture indique avoir procédé à des contrôles [3], mais qui n’ont apparemment eu aucun résultat concret car la ferme n’est jamais redescendu à l’effectif autorisé. Cela questionne sur les moyens (et la volonté ?) de l’administration pour faire respecter le cadre réglementaire.
Frauder puis demander une régularisation de la situation pour pérenniser l’activité est une manipulation inacceptable de la réglementation. Il est bien facile de bafouer la loi en augmentant son troupeau sans autorisation, d’investir en matériels et aménagements, puis de faire son mea culpa en demandant une régularisation et une augmentation supplémentaire de cheptel, tout en argumentant sur la pérennité économique, de rentabilité des investissements faits ces dernières années. Si tout le monde faisait de même sans être sanctionné et obtenait a posteriori l’autorisation pour un acte fait illégalement, les réglementations mises en place en perdraient toute force.
Un modèle coûteux environnementalement et socialement
Ce modèle agricole qui concentre les animaux sur une structure n’est pas souhaitable. Calqué sur les besoins de l’industrie agroalimentaire et encouragé par la méthanisation, il est coûteux environnementalement et socialement. L’augmentation des cheptels découle de l’industrialisation de l’agriculture : les laiteries industrielles ont tout intérêt à avoir des grosses exploitations qui font du volume. Et cette augmentation est en plus encouragée, comme dans le cas présent probablement, par les projets de méthanisation et le marché de l’énergie : à terme ce n’est même plus le lait qui rémunère l’activité et les effluents qui sont valorisés, mais les effluents qui rapportent, faisant du lait un sous-produit de la méthanisation. Les dérives de ce système agricole qui concentre les animaux sont bien connues : concentrer les animaux sur un site c’est augmenter les nuisances, les pollutions, le bilan carbone et le coût d’entretien des routes avec les trajets pour épandre, et cela ne favorise pas l’emploi et la vie locale. Dans son dossier, la ferme déplore que « sur la commune le nombre d’exploitations a diminué. M. est le seul éleveur laitier de la commune ». Pas étonnant que le nombre de fermes baisse si chacune vise des troupeaux de 680 vaches et 308 génisses comme elle le fait !
Du lait acheté à un prix décent, des vaches réparties sur le territoire, des fermes nombreuses dans des campagnes vivantes, voilà l’agriculture qui pourra relever les défis sociaux et climatiques actuels. Espérons que la préfecture l’entendra. Les maires ne peuvent en tous cas pas compter sur le président de la Chambre d’agriculture, Henry Frémont, qui déclarait en août qu’il faut « regarder les choses en face : il faut atteindre des unités viables. Dans certains pays, il y a des exploitations avec 1.500 bêtes » [4]. À quel coût humain et environnemental ? Peut-être ne s’est-il pas posé la question, lui qui affirme même que « le bien-être animal est bien meilleur dans ces exploitations-là ! ». Bravo et courage aux maires qui osent espérer mieux pour leur territoire.