Service national universel : des contrats de merde pour embrigader la jeunesse

La préfecture d’Indre-et-Loire a publié deux offres d’emploi pour recruter les futurs encadrant-es du SNU. En faisant rentrer le dispositif dans le champ du code de l’action sociale et des familles, l’État proposera à ces sergents instructeurs au rabais des contrats précaires pour un salaire inférieur au SMIC.

Des contrats de douze jours, payés 60 euros nets la journée, assortis d’une obligation de présence 24h/24 et du port d’un uniforme. Voilà le sort qui attend les « tuteurs de maisonnées » qui seront chargés d’encadrer des groupes de dix jeunes pendant la durée de leur « séjour de cohésion » [1]. Pour les « cadres de compagnie », chargés d’encadrer des groupes composés de quatre maisonnées (soit quarante jeunes), la paye ne sera pas beaucoup plus brillante : 80 euros nets par jour annoncés.

Dans le département du Loiret, les services de la préfecture ont diffusé une fiche de poste pour le recrutement d’un directeur de centre départemental du Service National Universel. Rémunération annoncée : 120 euros par jour. C’est ce directeur qui sera chargé de « donner du sens à l’ensemble des rites républicains définis par le projet départemental » et de présider au lever du drapeau tous les matins...

Pour procéder à sa grande opération d’encasernement de la jeunesse, le gouvernement a décidé de s’appuyer sur un contrat qui déroge très largement aux dispositions du code du travail : le contrat d’engagement éducatif (CEE). Très courants dans le secteur de l’animation, ces contrats ne se voient pas appliquer les dispositions légales en matière de temps de travail, de repos ou de salaire minimum [2]. Comme le CEE est normalement réservé aux accueils collectifs de mineurs, le gouvernement a pris un arrêté qui fait entrer le SNU dans le champ du code de l’action sociale et des familles [3]. De la colonie de vacances à l’embrigadement sous uniforme, il n’y a qu’un pas.

Le retour de l’adjudant Kronenbourg

Si le secrétaire d’État en charge du projet, Gabriel Attal, a tenté de communiquer davantage sur l’aspect « engagement » que sur l’aspect treillis et godillots, le souvenir du service militaire revient en force à la lecture des fiches de postes. Il est question d’« appelés » organisés en « compagnies », soumis à la « discipline » et à l’encadrement de « chefs ». Pudiques, les annonces ne disent pas si les encadrants devront faire exécuter des punitions aux jeunes ; suite à la première expérimentation menée en 2019, il avait notamment été question de séries de pompes infligées à des mômes qui avaient les mains dans les poches [4].

« Organisation et discipline de la vie courante : faire connaître et respecter le règlement intérieur du centre ; signaler aux cadres de compagnie tous les manquements »
Extrait de la fiche de poste des tuteurs.

Pour son recrutement, la préfecture vise large : au volet « compétences », on peut lire qu’est recherchée une « expérience reconnue dans l’encadrement de la jeunesse soit dans les armées, l’éducation nationale ou les associations de jeunesse ». Les recalés du CAPES, les dégoutés de Sentinelle, les ex-adjudants sadiques et les animateurs saisonniers en attente de colonies de vacances plus exotiques pourront donc se retrouver sous le même uniforme. Tous chargés de diffuser une pédagogie de caserne aux adolescent-es.

En 2020, le SNU restera un dispositif proposé sur le mode du « volontariat », avant son extension à toute une classe d’âge dans les années suivantes. Au passage, le nombre de « volontaires » accueillis en 2020 semble avoir été revu à la baisse. Alors que la députée Sabine Thillaye annonçait dans un communiqué que 300 jeunes seraient accueillis en Indre-et-Loire pour la session de juin 2020, la préfecture n’en annonce « que » 200.

Notes

[1La fiche de poste est disponible sur le site de la préfecture.

[2Dans un dossier consacré au SNU, le Syndicat unitaire de l’éducation populaire, de l’action sociale, culturelle et sportive note : « L’État ne s’étouffe devant aucune contradiction : alors qu’il estime légitime de rémunérer des animateurs sur le plancher de 2,20 fois le SMIC horaire, soit un montant de 22,07 € brut par jour, en ayant rejeté tous les arguments des organisations syndicales lors de la création de ce contrat, voilà qu’il est obligé de proposer un montant largement supérieur pour sécuriser la constitution des équipes en proposant de 60 à 80 euros par jour selon les fonctions exercées. Ce qui reste en dessous du SMIC. » Traverses Unitaires n°107, décembre 2019.

[3Arrêté du 14 mars 2019 modifiant l’arrêté du 1er août 2006 relatif aux séjours spécifiques mentionnés à l’article R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles.