Une situation grave et durable
Les observatoires sécheresse sont un espace privilégié pour mesurer la gravité de la situation : présentations météorologiques et pluviométriques, analyse un à un des débits des cours d’eau du département [1] et commentaires des différents acteurs invités (Météo France, services de l’État, fédération de pêche, Chambre d’agriculture, association des irrigants, associations naturalistes, syndicats agricoles, collectivités, SAUR, Véolia, etc.).
Et cette année tout le monde s’accorde à le dire : l’épisode de sécheresse actuel est « vraiment exceptionnel » et « rien ne permet de dire quand est-ce que ça va s’arranger ». Le débit de la Loire atteint par exemple son niveau d’étiage le plus bas (au niveau d’Orléans, alors que le débit minimal en année normale est de 75 m3/s, il n’est plus actuellement que de 30 m3/s ), mettant Tours Métropole dans une situation de restriction niveau 2 pour la première fois.
Dans les tours de table s’expriment les conséquences variées de cette situation : irrigants inquiets de ne pas pouvoir irriguer le maïs encore quelques semaines, exploitants des réseaux d’eau potable qui alertent devant les premiers décrochages pour le pompage dans la Loire, services d’équarrissage qui peinent devant la surmortalité des animaux d’élevage due à la canicule, pêcheurs inquiets devant les débits faibles, la température élevée de l’eau et sa faible oxygénation, etc.
Mettre en débat les usages sans plus tarder
Lors des observatoires sécheresse, des clivages d’usage apparaissent au fil des interventions successives, sans malheureusement être mis au travail : entre l’eau vitale (eau potable et production d’alimentation) et l’eau de loisir et de patrimoine (espaces verts des villes, golf…), entre l’agriculture irriguée et celle qui ne l’est pas, entre les irrigants qui pompent dans les cours d’eau et ceux qui ont des forages (où le pompage est moins facilement contrôlable).
A l’observatoire du 1er août, la Confédération paysanne, associée à l’association SEPANT, a demandé que soit mis en place un débat démocratique sur les usages de l’eau, prenant en compte l’ensemble des ressources (cours d’eau et nappes). A la fois bien commun vital et ressource limitée, il est logique que les usages de l’eau soient discutées par l’ensemble de la société.
Vue la gravité de la situation, c’est maintenant que les pouvoirs publics doivent organiser un débat pour anticiper la disponibilité hydrique sur le long terme. Il n’est pas raisonnable de se contenter d’observatoires sécheresse qui ne peuvent que constater la pénurie et interdire les prélèvements d’eau quand les crises sont déjà là. Ni de se contenter de la future concertation sur le projet de SDAGE [2], qui n’aura lieu qu’à partir de 2020.
Accompagner un changement des pratiques agricoles
Dans le domaine agricole, deux grandes stratégies s’expriment pour faire face au manque d’eau : les dispositifs type « bassines » pour stocker l’eau et la rendre disponible pendant les saisons sèches ou l’évolution vers des modèles agricoles moins consommateurs d’eau.
La Confédération paysanne refuse de voir les grands projets de retenues et bassines comme une solution miracle. Les bassines jouent sur la disponibilité de l’eau : elles ne créent pas d’eau mais diffèrent les prélèvements. Une question d’équité se pose entre amont-aval et entre les paysans qui auront accès à des bassines et les autres. Les conséquences négatives sur l’aval des cours d’eau sont soulignées par le monde de la pêche [3] et en Espagne des sécheresses plus fortes sont observées dans les vallées avec des bassines de grande taille. Et les grands projets de bassines sont coûteux [4], consommateurs de subventions publiques qui sont alors dirigées vers les gros producteurs et grands consommateurs d’eau. Un débat public s’impose !
La Confédération paysanne défend une évolution vers des modèles agricoles moins consommateurs d’eau et une utilisation de l’eau fléchée sur des productions ciblées : cultures destinées à l’alimentation humaine, production de semences. Vu le changement climatique, il est indispensable de réduire et d’optimiser l’utilisation de l’eau. Il faut dès maintenant consacrer l’argent public à accompagner le changement des pratiques plutôt qu’à subventionner des infrastructures qui ne garantissent pas une adaptation de notre mode de vie au changement climatique à moyen terme.
Illustration : AgriLife Today (CC BY-NC-ND 2.0)