Résistance forestière ! Une semaine d’occupation à l’ONF

150 salarié(e)s de l’ONF occupent le centre formation de Velaine-en-Haye (54), qui doit être vendu par les domaines. Ce lieu est unique, sa vente traduit la volonté de l’État français de réduire la gestion des forêts à un lieu de vente de bois. L’abandon de cette structure devait se faire durant la COP21, c’était sans compter sur la résistance sociale.

« Les forêts jouent un rôle crucial dans la régulation de notre climat. Véritables réservoirs de carbone, elles en stockent plus que tout autre écosystème terrestre. On estime qu’à l’échelle planétaire, les forêts absorbent chaque année 9 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère, soit près de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. »
Greenpeace

Arrivé à Tours il y a bientôt un an, je reste abonné aux nouvelles du pays lorrain, où j’ai passé le plus clair de mon existence. Listes mail, groupes facebook : je lis les aventures des copains en lutte, dans leurs boîtes, avec des associations, avec les sans-papiers, contre les fachos...
Je viens de louper, prés de Nancy, un bivouac qui dure depuis plus de dix jours, une de ces bagarres qui s’enracine et qui donne des perspectives. Cette lutte de dimension nationale est étouffée par la presse, partageons-la, elle ne fera que grandir.

Grande braderie pendant la COP21 !

La Direction de l’ONF et l’État entendent entériner la fermeture du campus national de formation situé prés de Nancy, en Meurthe-et-Moselle à Velaine-en-Haye. Sur ce site travaillent encore 39 personnes, qui ne sont pas informées de leur devenir. La direction, sans proposer d’alternative, invoque la vétusté des locaux, ce que réfute le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il y a, certes, un besoin de rénovation, chiffré à 5 millions d’euros pour une structure nationale qui dispose d’un budget de 800 millions.
Pour l’anecdote, la direction de l’ONF communique largement sur son initiative francilienne, construire une maison en bois à Paris intramuros. Chic et classe.

Le syndicat SNUPFEN Solidaires dénonce par cet abandon :

  • la privatisation de la gestion forestière et des forêts domaniales,
  • la transformation de nos métiers pour une exploitation irraisonnée des forêts publiques.

Cette décision s’inscrit dans la politique de destruction de l’outil de gestion des forêts publiques françaises, orchestrée dans le cadre du contrat Etat-ONF en cours d’élaboration. Nous ne pouvons accepter que la direction générale de l’ONF liquide l’outil de formation du premier gestionnaire d’espaces naturels en France.

La décision de l’État est lourde de sens, la forêt doit rapporter, elle doit être mise à disposition de la mythique croissance, la nature doit produire des dividendes.
Cette vision macronienne de la forêt est d’une lecture simple arbre = fric, formation et statut = coût. Donc on brade, on supprime la formation.

Les salarié(e)s ne l’entendent pas de cette oreille, ils ne sont pas là par hasard. Elles, ils ont choisi ce métier pour effectuer un travail cohérent, qui dépasse la sphère marchande. Leur mobilisation, leur lutte, ne visent pas un confort statutaire, une augmentation salariale, mais bien de définir le rôle des salarié(e)s en charge de la forêt. Elles et ils refusent une vision à court terme, qui se résumerait à faire pousser des produits à vendre le plus rapidement.

Au XVIIème un chêne, qui peut vivre communément 600 à 800 ans, était abattu entre 250 et 300 ans ; en 1980 c’était plutôt 160 ans ; aujourd’hui, en sélectionnant l’emplacement, l’ensoleillement, la variété, on peut couper un chêne à 120 ans, voire entre 25 et 45 ans pour certaines variétés en Poitou-Charentes. Bref, faut que ça rapporte, et vite.
Demain, que fait-on ?

La déforestation dans le monde n’est pas une vue de l’esprit, c’est 13 millions d’hectares à l’année, 40 terrains de football par minute, sous la pression des OGM, de l’huile de palme, des « bio » carburants. La France n’est pas concernée par ce carnage, mais la volonté de marchandiser la forêt, la volonté de limiter les essences à des arbres rapidement commercialisables hypothèquent le rôle essentiel de la forêt à long terme.
Il faut aussi maintenir des forêts à long terme, contre l’agriculture intensive, contre la rente immobilière, contre le tourisme dévastateur de type Center parcs.

La lutte s’organise

Depuis le 18 septembre, les salarié(e)s ont manifesté, mobilisé, interpellé leur tutelle, leur ministre, pour finalement lancer l’occupation du centre national de formation. Le 24 novembre 2015, 150 agents convergent de toute la France pour occuper ce lieu, et empêcher la braderie.

Cette lutte est âpre, les grévistes sont déterminés, mais cela n’empêche pas la convivialité. Tous les soirs ont lieu des débats, des spectacles auxquels participent des associations, des syndicats.

Jeudi 3 décembre au matin, 150 agents environ sont réunis en assemblée générale pour décider de la suite à donner à leur mouvement. Le préavis de grève s’arrêtait le 3 décembre, date à laquelle était soumis au vote le contrat d’objectifs et de performance (COP) au conseil d’administration, qui a été reporté au 17 décembre. Incrédules, les occupants voient arriver trois cadres de la direction générale de l’ONF, accompagnés de deux représentants de l’administration des domaines ! Ils venaient prendre des mesures et faire un état des lieux pour chiffrer le prix de vente du campus ! Après quelques heures de non-échange , les manifestants les ont laissé reprendre la route par une haie d’honneur... dos tourné pour leur signifier leur mépris !

Salarié-es mobilisé-es sur le campus ONF

Les agents de l’ONF ont décidé de poursuivre leur action et leur occupation jusqu’au 12 décembre, jour de clôture de la COP21. Ils entendent mettre à profit ce temps pour sensibiliser, s’ouvrir encore plus vers les citoyens, sur les associations et collectifs et notamment sur celles et ceux qui ont été empêchés d’exprimer leurs inquiétudes quant au devenir de la planète pour informer le public sur les dangers qui planent sur nos forêts en particulier et sur la planète en général !

Depuis le début du conflit, les initiatives se multiplient sur place, le Syndicat interpro Solidaires de Nancy y prend une part importante pour relayer l’information, inviter les populations à soutenir l’action.
Mais ce sont aussi des conteuses qui sont venues animer une soirée, une chorale révolutionnaire de Nancy est venue présenter un répertoire de chant de luttes. Cette bataille ne sent pas la résignation, mais elle a besoin du plus grand nombre.
Chacune et chacun d’entre nous sommes des usagers de la forêt, nous bénéficions d’un patrimoine qui nous protège. A nous de veiller à ce qu’il ne soit pas spolié par l’exigence de rentabilité. C’est une lutte citoyenne que nous devons investir.

La région préfère subventionner le maniement d’armes

Les grévistes de l’ONF ont appris que la majorité PS de la région Lorraine vient de voter une subvention de 600 000 euros à un autre campus. Comme quoi la formation ne les laisse pas indifférent. Sauf que là, il s’agit du groupe Cockerill Maintenance Ingénierie (CMI), qui est spécialisé dans le maniement d’armes !

Ce site disposera de prestations hôtelières, de restauration, des équipements nécessaires à la formation, mais aussi d’un auditorium, de salles de cours, d’un gymnase, de salles de réception, de simulateurs... Bref, une école, même une belle école. Le projet représente un investissement de 70 millions d’euros.

Ce groupe signe des contrat avec des fabricants d’armes et forme les futurs acheteurs. Ainsi, des militaires saoudiens vont être instruit du fonctionnement de tourelles de chars produit par l’Américain General Dynamics [1].

Beaucoup de monde tousse en apprenant la nouvelle, fermer le centre de formation national de l’ONF et subventionner au maniement des canons fait un peu désordre. Pendant l’État d’urgence et la COP21, les affaires continuent, alors le Parti socialiste aux manettes de la Région Lorraine (encore un peu) a mis la main à la poche des contribuables. Que ne ferait-on pas pour la formation ?

Quelques liens sont donnés ci dessous pour contacter, aider, encourager les salarié(e)s mobilisé(e)s. Il y a aussi une pétition.
Soutenir les luttes est le seul état d’urgence qui vaille !
On fait péter le compteur ?

Michel ANCE

https://www.facebook.com/campusonf2015
https://foretsistance.wordpress.com/foretsistance
http://snupfen.org
http://www.solidaires.org/Solidaires-Meurthe-et-Moselle-54

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Directeur_general_de_lONF_Maintien_du_Campus_ONF_Formation_forestiere/share/?new

Notes

[1Voir la discussion au conseil régional sur le site lundi.am.