A la veille du rassemblement pour la défense des droits des femmes qui a eu lieu le 1er février, Lise, bénévole et stagiaire, et Mehrzad, directeur de la structure, nous ont reçus au Centre de vie du Sanitas, pas tout à fait dans les locaux du Planning familial, trop petits, mais dans une salle attenante. L’occasion de discuter de leurs missions, de leurs modes d’intervention, mais aussi de leurs difficultés.
Histoire d’un mouvement...
Le « Mouvement Français pour le planning familial », d’abord nommé « La maternité heureuse », réunissait à l’origine des femmes et des hommes bien décidés à faire changer la loi de 1920 qui interdisait l’avortement, ainsi que l’utilisation et la diffusion de tout moyen contraceptif en France. Né en 1956, le Planning est aujourd’hui présent dans près de 70 départements. En Indre-et-Loire, le mouvement existe depuis près de 50 ans et continue à mener un combat féministe et d’éducation populaire.
Dans 35 départements, le Planning familial s’organise sous la forme de centres de planifications, habilités à réaliser des actes médicaux. Les autres structures sont des centres de formation et d’information : c’est le cas du Planning 37. Le Mouvement est une confédération : chaque département est indépendant dans le choix de ses actions et de ses projets, et gère ses propres finances.
Une multiplicité d’engagements
A Tours, le Planning dispose de deux bureaux, situés au cœur du Centre de vie du Sanitas. Les salariés et les stagiaires se marchent un peu dessus dans ces locaux exigus, mais le Planning refuse de déménager. La mairie propose au Planning un appartement dans le quartier isolé du reste du Centre de vie, plus spacieux mais aussi plus exposé. Son implantation actuelle lui permet de protéger l’anonymat des visiteurs : comme le centre de vie héberge de nombreuses activités, celles et ceux qui veulent se rendre au Planning discrètement peuvent venir sous d’autres prétextes.
Les actions du Planning 37 sont beaucoup plus diversifiées que ce qu’on imaginait :
- actions auprès des jeunes déscolarisés entre 16 et 25 ans, en lien avec les Missions locales, les centres de formations, les chantiers d’insertion, etc. ;
- actions à destination des migrants ;
- interventions auprès des détenus (hommes adultes et mineurs) incarcérés à la maison d’arrêt de Tours ;
- actions à destination de jeunes orientés vers le Planning par l’aide sociale à l’enfance ou la protection judiciaire de la jeunesse ;
- interventions à destination de personnes en situation de handicap ;
- interventions en milieu scolaire (collèges, lycées, CFA, choisis en fonction de leur localisation) et étudiant ;
- actions en direction des femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles, à travers des groupes de paroles ou des accompagnements individuels, mais aussi en direction des agresseurs ;
- organisation de permanences dans plusieurs communes du département.
Les thèmes abordés à l’occasion de ces interventions varient en fonction des structures et des publics concernés. Les deux principaux volets d’intervention restent l’éducation à la sexualité (couple, rapport à l’autre, contraception...), et les situations de violence (racisme, agressions sexuelles, mariages forcés, etc.).
Le Planning mène par ailleurs des actions de formation, notamment auprès des professionnels du social, de la santé et de l’éducation. Chaque année, et bien que le projet ne soit plus financé depuis trois ans, il forme aussi des étudiants qui s’engagent à mener bénévolement des actions de prévention des conduites à risque sur les lieux festifs du département : boîtes de nuit, festivals, etc. Un bon vivier de recrutement pour le Planning, puisqu’environ 30 % des étudiants formés à travers ce projet continuent ensuite à militer au sein du Mouvement en tant que bénévoles. Sur les 340 bénévoles que compte le Planning dans le département, 50 % sont des étudiants.
Le financement : un problème omniprésent
Le Planning d’Indre-et-Loire n’a pas de budget de fonctionnement global : il fonctionne systématiquement en « mode projet ». Chaque action doit donner lieu à la recherche de financements, à la présentation d’un projet auprès des financeurs, qui attendent des résultats chiffrés pour apprécier la pertinence des actions menées. Or, il est souvent difficile de traduire en chiffres des actions d’éducation et de sensibilisation menées en profondeur. Sans compter qu’un projet qui "marche" n’est pas systématiquement reconduit, selon une logique qui laisse songeur : l’Indre-et-Loire est en dessous des moyennes nationales en termes de personnes infectées par le VIH ? Le budget alloué au Planning pour la prévention contre le SIDA baisse ! L’équipe du Planning 37 est donc obligée d’être en perpétuelle recherche de financements et parvient difficilement à continuer ses actions avec un budget en constante diminution ces dernières années.
Contraception et Interruption Volontaire de Grossesse
Le contexte poussait à ce qu’on discute de l’IVG et de la contraception. En Espagne, le droit des femmes à avorter est remis en cause. Aux États-Unis, de nombreux États ont fait passer des législations restreignant le droit à l’avortement. En France, les fermetures de centres se multiplient, et si la loi n’est pas remise en cause à ce jour, les opposants restent mobilisés, comme l’ont montré de récentes manifestations.
Le Planning propose d’abord des conseils en matière de contraception. Les personnes reçues ont droit à une présentation exhaustive des méthodes de contraception à leur disposition, et un échange s’instaure sur les méthodes pouvant être les plus appropriées pour chacune. Contrairement à ce que font certains médecins, l’approche n’est pas purement anatomique, mais pédagogique. Et ici, le dogme du "tout-pilule" n’a pas sa place.
Mehrzad nous explique ensuite :
« Le Planning familial ne pousse pas les femmes à pratiquer une IVG, mais leur propose une écoute et leur fournit des informations. Jamais les militants du Planning n’influencent les femmes sur la suite à donner à leur grossesse. Une fois que la personne a reçu l’information, elle fait son choix. Nous présentons les démarches à effectuer, et communiquons les adresses pertinentes. Pour les publics précaires, nous pouvons aider à faire les démarches : prise de rendez-vous, mise en contact, etc. Nous proposons aussi une écoute a posteriori.
Si une femme vient nous voir avec la volonté d’avorter et qu’elle se situe en dehors des délais fixés par la loi française, nous lui fournissons également des informations, et nous pouvons lui proposer d’aller à l’étranger pour y avorter. C’est pour cela que la situation en Espagne nous préoccupe : nous pouvions y envoyer des femmes pour qu’elles y avortent lorsqu’elles étaient en dehors des délais légaux français, puisque le délai là-bas est fixé à 22 semaines, contre 12 en France. Nous ne pouvons aider ces femmes financièrement : même si nous en avions les moyens, cela n’entre pas dans nos missions. Or, les frais à engager peuvent être très importants. Beaucoup de femmes n’ont pas d’autre choix que de garder l’enfant, faute de pouvoir payer le voyage à l’étranger et le coût de l’opération. »
Enfin, Mehrzad nous rappelle qu’en matière d’IVG et de droits des femmes, rien n’est acquis. D’où la nécessité de se mobiliser sur ces questions.