Rapprochement avec le Front National : la droite tourangelle en voie de radicalisation ?

Le 7 janvier au soir, l’élue LR Cécile Chevillard a participé à un débat « amical » avec l’élu d’extrême-droite Stanislas de La Ruffie. Le collectif à l’initiative de ce débat s’était fait connaître en organisant la « Convention de la droite », pendant laquelle Eric Zemmour avait éructé des propos ouvertement racistes.

« Que veut dire : être un élu local de droite ? » C’est la question apparemment banale autour de laquelle le conseiller régional Stanislas de La Ruffie et l’ajointe municipale à l’éducation Cécile Chevillard ont débattu le mardi 7 janvier au soir, dans un bar branché du centre ville de Tours [1]. La Ruffie s’est ensuite déclaré « ravi d’avoir pu débattre amicalement avec des élus locaux LR, sur la politique locale, nos actions réciproques, la droite, la pensée unique, l’écologie, nos convergences... ».

Le débat était organisé par l’antenne régionale de Racines d’Avenir, qui se présente comme « le mouvement politique de la jeunesse conservatrice, entrepreneuriale & populaire », et est surtout connu pour avoir participé à l’organisation de la « Convention de la droite ». L’événement s’est déroulé le 28 septembre dernier, à Paris. À l’invitation de différents collectifs et médias d’extrême-droite (dont Racines d’Avenir), Robert Ménard, Marion Maréchal-Le Pen, Eric Zemmour et autres « personnalités » se sont succédées au micro pour dégueuler leur haine des musulmans, à tel point que le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête pour « injures publiques » et « provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence » suite aux propos du chroniqueur sur l’islam et l’immigration.

La ligne rouge

Suite à cet événement, le président de Racines d’Avenir, Erik Tegnér, avait été exclu du parti Les Républicains. Dans les pages du magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles [2], Tegnér expliquait avoir été exclu à la suite d’un « procès stalinien ». D’après lui, s’il a été exclu, c’est parce que « la ligne rouge n’est plus seulement une alliance concrète sur le terrain avec le RN (...), mais simplement un dialogue avec des personnalités de la droite dite hors les murs » [3].

Apparemment, Cécile Chevillard n’a pas les mêmes pudeurs que les cadres nationaux de son parti, et trouve tout à fait naturel d’échanger avec La Ruffie à l’invitation d’un mouvement obsédé par l’identité et l’immigration. Élue à la mairie de Tours en 2014 sur la liste de Serge Babary, elle a été nommée adjointe à l’éducation en février 2019, et devrait figurer sur la liste de Christophe Bouchet aux prochaines élections municipales. Jusque-là, elle s’était surtout distinguée par son implication dans la campagne homophobe de La Manif pour Tous contre l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

Si la tenue de ce débat n’est pas forcément surprenante, compte tenu du parcours de Chevillard et du glissement vers l’extrême-droite de la droite gouvernementale depuis les années 2000, elle tranche avec l’image lisse que la majorité municipale cherche à donner. D’autant plus que La Ruffie n’hésite pas, à l’occasion, à aller coller des affiches pour Le Pen avec des militants issus de groupuscules comme Vox Populi [4]. Une candidate homophobe discutant avec un catho intégriste qui fraye avec des néo-nazis, devant un public de fans d’Eric Zemmour, ça risque de faire tache sur la liste de Bouchet.

Notes

[1Il s’agit du Blend & Shaker, qui apparemment ne voit aucun souci à accueillir des réunions d’extrême-droite dans ses murs.

[2« "Ils m’ont demandé si je pourrais voter François Baroin en 2022" : Erik Tegnér raconte les coulisses de son exclusion des Républicains », Valeurs Actuelles, 12/12/2019.

[3La « droite hors les murs » désigne en fait l’extrême-droite adepte de théories racistes, mais Erik préfère employer un euphémisme.

[4Ce pedigree n’a pas empêché les avocats grévistes du barreau de Tours de laisser Stanislas de La Ruffie défiler en tête de leur cortège, tenant la banderole, en robe d’avocat, à l’occasion de la manifestation contre la réforme des retraites du 9 janvier.