[Radio] Autour du livre La crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace

Dans un contexte de come-back des discours autour de ladite « crise de la masculinité », portée par des Zemmour, des Soral et même des Pujadas, une émission de déconstruction critique de ce mythe tenace avec l’auteur, Francis Dupuis-Déri, professeur de sciences politiques à l’Université du Québec – Montréal (UQAM).

« En ce début du xxie siècle, la rumeur enfle en Occident : les hommes ne seraient plus des hommes, des “vrais” […] une crise se propage, semble-t-il, dans l’empire du mâle. » Voilà le début du texte de présentation à l’endos du troisième volume de l’Histoire de la virilité, intitulé « La virilité en crise ? xx-xxie siècle » et publié à Paris en 2011. Le thème de la crise de la masculinité est aujourd’hui « devenu une sorte de lieu commun », selon la psychanalyste Marie Hazan et bien d’autres spécialistes de la condition masculine, dont Anthony McMahon qui parle à ce sujet d’un « cliché » . À cela rien d’étonnant, peut-on penser, considérant les transformations importantes qui ont marqué les rapports entre hommes et femmes en Occident depuis les années 60. (...)

Évidemment, les discours de la crise ne s’expriment pas tous sur le même registre, n’exercent pas la même influence et ne sont pas diffusés dans les mêmes réseaux. Cela dit, ils participent dans leur ensemble à consolider la certitude que les hommes d’aujourd’hui ont des problèmes et souffrent en tant qu’hommes, à cause de l’influence indue des femmes en général et des féministes en particulier. Cette crise de la masculinité aurait comme principaux symptômes l’absence de modèles masculins positifs, l’échec scolaire des garçons, l’incapacité des hommes à séduire les femmes, voire le déclin de la libido masculine, la perte de contrôle des pères divorcés et séparés sur leur(s) enfant(s), la violence des femmes contre les hommes et le taux de suicide masculin. (...)

Le discours de la crise de la masculinité interpelle d’ailleurs le modèle conventionnel de la féminité. Puisque les femmes sont socialisées et encouragées à prendre soin physiquement et psychologiquement des autres, y compris des hommes, elles risquent d’être très sensibles devant des hommes qui se lamentent de souffrir à cause du féminisme. Déjà en 1930, Symes rapporte au sujet des États-Unis que le « masculiniste » considère qu’« [i]l devrait y avoir quelqu’un pour s’occuper de lui ; et pour l’homme moyen cette personne a toujours été une femme ». Aujourd’hui encore, des hommes demandent explicitement aux féministes de cesser de ne penser qu’aux femmes pour s’intéresser aux problèmes des hommes. Ce discours est repris par quelques féministes. Les femmes sont alors minées dans leur volonté d’émancipation, à une époque où les forces conservatrices consolident leur pouvoir, freinant d’autant l’élan du féminisme. » [1]

Analyse du discours autour de ladite « crise de la masculinité » comme un discours réactionnaire, qui fait de l’identité masculine une donnée naturelle, transhistorique et « positive » et non une identité de dominants construite socio-historiquement...

A écouter sur le site sortirducapitalisme.

Notes

[1Dupuis-Déri, Francis. « Le discours de la « crise de la masculinité » comme refus de l’égalité entre les sexes : histoire d’une rhétorique antiféministe », Cahiers du Genre, vol. 52, no. 1, 2012, pp. 119-143.