21 septembre 2017. 10h25, dans une petite ville de province située entre Tours et Paris.
J’arrive accompagné de trois camarades lycéens au point de rassemblement fixé par la CGT, l’hôpital, endroit stratégique si l’en est : lui qui vient de perdre sa maternité en début d’année – symbole criant de la mort lente et douloureuse de nos services publics. Alors qu’un syndicaliste soixantenaire essaye d’expliquer à une petite dizaine d’adolescents, venus surtout pour sécher les cours, pourquoi Macron et le capital nous mènent à la perte de tout droit du travail et à une toute puissance du patronat sur les travailleurs en utilisant l’exemple de la gabelle, il me vient une pensée. Cela m’apparaît, comme une triste évidence : la jeunesse si salvatrice et promise à un futur révolutionnaire de plus en plus certain, cette jeunesse qui doit éclairer la société de sa rage contestataire, de sa révolte emplie de volonté de justice sociale, cette jeunesse n’est pas révoltée. Du moins pas autant que je ne le pensais. Ce constat n’est pas réjouissant et en tant que lycéen, futur étudiant et futur chômeur cela m’attriste énormément. Elle n’est pas indignée par les lois contre les travailleurs, pas scandalisée par les réformes contre les pauvres ni par le mépris que lui vouent tout le patronat, et la population en général.
Décadente pour les baby boomers, anti-compétitive pour les entreprises ou simplement perdue pour les autres, la jeunesse accable. Pourtant dans la manif qui nous mena dans le centre de cette petite ville, la moitié du cortège était formée de lycéens, certes ils n’entonnaient pas l’Internationale avec verve et conviction mais ils étaient bien là, comme quoi en séchant deux heures de cours ils se forgeaient une conscience politique plus consistante qu’en une scolarité toute entière. Et puis, pendant que la soixantaine que nous sommes déambulons dans les rues, une poignée d’entre nous est pris à parti par un vieux à la terrasse d’un café traitant volontiers de « saloperie » tout ce qui passe devant ses pauvres yeux mornes. Et alors que ce facho arriéré et aigri par excellence couvre d’injures ceux qui lui portent intérêt, souffle un vent de révolte dans nos rangs, un sentiment partagé par ces jeunes qu’on insulte parce qu’ils manifestent, parce qu’ils sont jeunes tout simplement. Indignés par les propos du vieux, plusieurs d’entre nous lui répondent, s’insurgent, se révoltent tout simplement contre tout ce qui la déteste et contre la haine de cette triste représentation d’une société vieillissante et conservatrice.
À ce moment tout devient clair et passe devant mes yeux comme criant de vérité les images des mouvements étudiants, des black blocs, des blocus, des manifestations et émeutes en banlieue contre la police et leurs bavures et je comprends d’autant plus. La jeunesse au sens large n’est pas révoltée mais, une partie d’elle hurle, un chant de justice, un chant de rage contre cette société capitaliste déclinante, contre cet état policier et son racisme décomplexé. La jeunesse est révoltée, oui , et chaque jour elle l’est un peu plus. La trentaine de lycéens que nous étions lors de la manif me l’a fait comprendre et m’a emplie d’un espoir certain. Ce n’est pas avec tout un peuple qu’une révolution se fait, c’est avec sa frange indignée et avec sa jeunesse, sa rage et son indignation. Que souffle le vent de cette jeunesse et que s’unissent à travers la France tous ceux qui s’y reconnaissent.