Le Président de la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire déclarait en février dans La Nouvelle république que le modèle défendu par la Confédération paysanne « pouvait se justifier dans les années soixante, mais plus aujourd’hui ». C’est mal comprendre le projet de la Confédération paysanne : le syndicat travaille au contraire au développement d’une agriculture paysanne permettant de relever les défis sociaux et environnementaux bien actuels !
Face à la crise agricole, le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne a entériné, une fois de plus, l’orientation libérale de l’Union Européenne. Dérégulation, aides à l’exportation, incitation à l’investissement : c’est la fuite en avant et la mise en concurrence entre paysans. On régule donc aujourd’hui le marché par la disparition de paysans et non par une réduction concertée de la production ! Pourtant, la régulation de la production est et restera la seule solution à la crise. Le modèle d’agriculture paysanne que nous défendons fait de cette régulation la condition d’un modèle pérenne : des paysans nombreux, avec des prix rémunérateurs, en lien avec les besoins alimentaires et sociaux de leur territoire. Aveugles ou irresponsables, les décideurs politiques ne semblent toujours pas l’entendre.
En pleine crise, dans le supplément agricole de La Nouvelle république du 25/02/16, Henry Frémont, président de la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire déclarait que :
« le modèle mis en avant par la Confédération paysanne est un modèle qui pouvait se justifier dans les années soixante, mais plus aujourd’hui. Ne serait-ce que pour des raisons sociétales. Les exploitants revendiquent légitimement un peu de temps libre et pour ce faire, il faut un type d’organisation qui ne s’apparente pas à l’ancien modèle familial. »
Non, Monsieur le Président de la Chambre d’agriculture, le modèle que nous défendons n’est pas celui des années 1960 : il est bien vivant et ceux qui ont assez avancé dans la démarche d’agriculture paysanne, en développant l’autonomie de leur ferme, s’en sortent d’ailleurs plutôt bien malgré la crise. Pour le moment.
En revanche même au sein de notre syndicat, certains, en chemin vers une transition de modèle, sont encore trop dépendant des industriels, du cours des aliments, des emprunts. Ils sont eux face au mur, comme beaucoup de paysans aujourd’hui. Et les réponses ponctuelles amenées par le gouvernement et la FNSEA ne risquent pas de leur apporter une solution. En misant sur les aides à l’export pour la conquête de nouveaux marchés, nos décideurs s’enfoncent dans une orientation agro-exportatrice déraisonnée et une dérégulation des marchés, qui nous ont menés dans cette crise. A la fin des quotas l’an dernier, la FNSEA incitait par exemple les paysans à produire plus car la fin des quotas allait être l’eldorado… pour ceux qui tiendraient le choc. On régule donc aujourd’hui le marché par la disparition de paysans et non par une réduction concertée de la production !
Non, l’agriculture paysanne que nous défendons n’est pas l’agriculture « à l’ancienne », simplement une agriculture qui vise avant tout l’autonomie des fermes et de ceux qui y travaillent : indépendance vis-à-vis des industriels, des semenciers, des coopératives qui misent sur la quantité et l’exportation, des aliments importés… Cette autonomie est à rechercher en circuit court comme en circuit long : en se réappropriant les productions et les objectifs et en relocalisant y compris les filières longues. L’autonomie permet justement le développement d’une agriculture à même de relever les défis climatiques, environnementaux et sociétaux bien actuels !
Enfin, oui, là nous sommes d’accord : les « raisons sociétales » sont à prendre en compte dans les choix de politiques agricoles, notamment celle de la vivabilité pour le paysan et son droit au temps libre. Mais là encore, nous plaidons pour le modèle de l’agriculture paysanne avec un partage de la production sur des fermes nombreuses et produisant de la valeur ajoutée, plutôt que la concentration des exploitations aux mains de quelques-uns et la mécanisation à outrance. Cette agriculture paysanne est un moyen de répondre aux enjeux sociétaux dans leur ensemble, avec la répartition du travail, la relocalisation de l’activité agricole en phase avec des besoins alimentaires locaux et de qualité, ainsi que le maintien d’une vie dans nos campagnes et aux abords des villes.
La Confédération paysanne de Touraine
Images de la mobilisation du 3 novembre 2014 contre la ferme-usine de Monts