Pollution radioactive de la Loire : les associations portent plainte contre EDF

En 2019, une pollution hors normes par du tritium avait été mesurée dans l’eau de la Loire au niveau de Saumur, suite à un prélèvement effectué par un réseau de préleveurs et analysé par l’ACRO. Le Collectif Loire Vienne Zéro nucléaire et plusieurs associations ont déposé une plainte contre EDF et contre X le 18 février. Communiqué.

Depuis fin 2017, en raison du manque de transparence des contrôles réglementaires, un réseau de préleveurs et l’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest) effectuent un suivi de la radioactivité rejetée dans la Loire et la Vienne par les centrales nucléaires de Belleville (18), Dampierre (45), Saint Laurent des Eaux (41), Chinon (37) et Civaux (86). Dans ce but, les préleveurs ont été formés à un protocole agréé par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN).

Dans ce cadre, un prélèvement a été effectué le 21 janvier 2019 à Saumur. Son résultat, dévoilé le 18 juin 2019 par un communiqué commun des préleveurs volontaires et de l’ACRO, atteste d’une pollution « hors normes » : ce jour-là, une concentration de 310 Becquerels par litres de tritium a été mesurée dans l’eau de la Loire !

Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène dont la toxicité génétique est avérée. Normalement, sa concentration dans un cours d’eau ne devrait pas dépasser quelques Becquerels par litre. Une pollution par de l’eau tritiée ou du tritium organiquement lié, directement incorporables dans le métabolisme des êtres vivants, ne saurait être banalisée, et les associations antinucléaires ne sont pas les seules à le dire.

Poursuivre le pollueur en justice

L’IRSN n’a pas remis en cause la mesure de cette concentration de 310 Bq/l en tritium, au contraire [1] ; ce qui vient conforter la validité de la démarche des préleveurs volontaires du bassin Loire Vienne. Son analyse resserre la responsabilité possible sur les cinq centrales nucléaires implantées sur la Loire et la Vienne, à l’exclusion d’autres causes. À ce stade, elle n’entrevoit pas d’explication à cette concentration, si ce n’est un prélèvement hors de la « zone de bon mélange » (!), qui n’expliquerait d’ailleurs pas tout.

L’IRSN écarte la possibilité d’un rejet accidentel plus élevé que prévu. Mais comme le montrent nos calculs, cette concentration, observée bien en aval des points de rejets, est trop élevée pour résulter du cumul des rejets maximum autorisés des cinq centrales. Ceci laisse donc suspecter qu’une ou plusieurs installations n’aurait pas respecté la limite de rejets autorisés.

Cette affaire souligne également la défaillance du système de contrôle de l’industrie nucléaire. L’IRSN a bien ses propres collecteurs d’eau, mais ses analyses sont moyennées sur un mois. Elle doit donc s’en tenir aux déclarations d’EDF, qui s’autocontrôle. Mais peut-on croire cette dernière sur parole lorsqu’elle affirme qu’aucun incident n’est survenu, au vu des nombreux cas de pollution au tritium minimisés ou déclarés tardivement par l’entreprise [2] ?

C’est pourquoi nous déposons plainte aujourd’hui contre EDF et contre X pour pollution des eaux, risques causés à autrui et infraction à la réglementation des installations nucléaires de base. Cette plainte n’est pas
« symbolique » : nous souhaitons que le pollueur soit condamné.

En attendant que la justice traite l’affaire, nous restons mobilisés

Après ce dépôt de plainte, le Collectif Loire Vienne Zéro nucléaire engagera d’autres actions en justice si nécessaire. De son côté, le réseau de préleveurs continue à effectuer des prélèvements.

Nous ne souhaitons pas seulement voir le pollueur sanctionné : notre objectif principal reste l’arrêt le plus rapide de tous ces réacteurs. Beaucoup ont atteint leur durée de vie initialement prévue, et leurs cuves, qui ont subi une forte pression, des variations de température et le bombardement des neutrons pendant des décennies, ne sont pas remplaçables. Certaines pièces de ces réacteurs ont aussi fait l’objet de malfaçons lors de leur fabrication.

Nous demandons également l’abandon des nouveaux projets nucléaires, qu’il s’agisse des projets de réacteurs EPR ou des « petits réacteurs modulaires », ou encore le projet de
« piscine de stockage » pour combustibles usés à Belleville-sur-Loire [3], ainsi que l’accaparement des terres par EDF qui accompagne ces projets.

La sortie du nucléaire est indispensable pour éviter les dangers et cesser de produire des déchets ingérables. Avec sobriété énergétique, efficacité énergétique et énergies renouvelables, cet avenir est à notre portée !

Les organisations membres du Collectif Loire Vienne Zéro nucléaire signataires : SNE (Sarthe Nature Environnement), SDN Touraine, SDN 72, SDN 49, SDN Pays nantais, SDN 41, SDN Berry-Giennois-Puisaye, CSDN 79, Réseau l’EPR ça suffit, Comité Centrales, CHENAL (Collège d’histoire de l’énergie nucléaire et de ses aléas), ACEVE (Association pour la cohérence environnementale en Vienne), ACIRAD Centre.

Notes

[1Voir les trois notes d’information de l’IRSN, dont la dernière date du 17 octobre 2019.

[2Citons notamment les pollutions des eaux souterraines au tritium survenues ces dernières années à Cruas et au Tricastin , ou une forte contamination retrouvée dans un caniveau au Bugey.

[3Cette installation serait destinée à accueillir des combustibles usés, prenant le relais des piscines de l’usine de La Hague, où est effectué le « retraitement ». Nous appelons d’ailleurs à abandonner la filière du plutonium, qui pollue l’Atlantique Nord et entraîne de nombreux transports dangereux.