La Loire et son bassin versant sont, depuis plus de 40 ans, fortement « nucléarisés », c’est-à-dire qu’ils hébergent, sur leur rives, nombre d’installations nucléaires qui rejettent régulièrement dans les eaux des radionucléides, des métaux lourds, des substances chimiques... que ces rejets soient « autorisés » (sous prétexte de respect de normes dont on ne sait si elles ont relevé d’études à long terme sur l’impact régulier de ces substances sur le vivant), ou accidentels.
Quatorze réacteurs nucléaires sont en activité sur cinq sites nucléaires : Belleville, Dampierre, Saint-Laurent, Chinon et Civaux. Cinq réacteurs sont à l’arrêt mais émettent encore des rejets, sans parler des anciens sites miniers qui, comme à Bessines, sur la Gartempe, affluent de la Vienne, voient stockés des déchets qui contaminent les eaux alentour.
Les rejets de l’industrie nucléaire
Les rejets radiologiques accidentels :
La Loire a dû absorber des rejets de plutonium suite à deux accidents nucléaires (fusion partielle des cœurs de réacteurs) sur le site de Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 et en 1980. Le plutonium n’existe pas à l’état naturel (il est issu des activités nucléaires humaines), et il est extrêmement toxique s’il est inhalé, avalé ou s’il traverse la peau en cas de blessure.
En 1969, il n’y avait pas de réglementation sur les rejets. En 1980, l’accident a été classé de niveau 4 sur l’échelle de l’INES. Ce classement est actuellement contesté puisqu’il y a eu impact dissimulé sur l’environnement : on sait maintenant que du plutonium a été relâché dans la Loire suite à ces accidents [2]. Rien n’a été fait pour préserver les riverains, habitants humains et non-humains à l’époque, ni ensuite pour en évaluer les effets.
À noter aussi, qu’il arrive, notamment pour le tritium, massivement produit dans les centrales nucléaires, qu’il y ait des « fuites ».
Les rejets radiologiques « autorisés » :
Les installations nucléaires rejettent des substances radioactives, de manière continuelle [3]. Ces rejets se font directement dans l’atmosphère (tritium, carbone 14, iodes...) ou bien dans la Loire. Le tritium est le plus massivement rejeté. Il s’agit d’un isotope radio-actif de l’hydrogène, qui passe facilement de l’état gazeux à l’état liquide, et qui ne peut être piégé car trop petit. Il peut s’ intégrer à la chaîne du vivant : on dit qu’il est organiquement lié car il se substitue à l’hydrogène dans n’importe quelle molécule ou cellule, et ce jusqu’à l’ADN.
Sur le site de l’ASN, on peut lire le Livre blanc du tritium dont voici quelques extraits :
« Même si les études réalisées avec des faibles doses sont insuffisantes, les résultats disponibles vont dans le sens d’une toxicité du tritium plus importante que la toxicité retenue par les instances de radioprotection. » (p 255)
« Pour ce qui concerne le risque lié plus particulièrement à la forme organique du tritium (OBT), certaines données scientifiques font défaut sur le métabolisme et les effets biologiques associés au tritium organique en situation d’expositions environnementales (chroniques et à faibles débits de dose) (p 264)
L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) ont lancé toutes deux l’été derniers des alertes sur la présence de tritium dans l’eau de Loire pour l’une et dans l’eau potable (pour les deux !) [4]
Les rejets chimiques
Chacune des centrales rejette aussi dans la Loire, tout au long de l’année, des tonnes de nitrates, des phosphates, métaux, détergents & produits biocides pour lutter contre amibes et légionelles... La liste est trop longue à détailler ici mais peut être consultée sur les rapports environnementaux des centres de productions sur le web.
Les rejets thermiques
Les centrales provoquent également toutes un réchauffement de l’eau du fleuve, dû à leur activité, en aval de leur site. Ce réchauffement est légalement fixé à 1°C (1,5°C en période de fort réchauffement) : quel impact (cumulé ?) au fil du fleuve, notamment quand la température de celui-ci est haute comme lors de la période de sécheresse et de canicule que nous venons de vivre ?
La consommation d’eau pour le refroidissement des réacteurs
Les centrales doivent être refroidies. Pour cela, elles pompent de l’eau en amont des sites et en rejettent une partie (réchauffée) en aval de ceux-ci.
Entre temps, une bonne partie a été évaporée : sur la Loire, les 14 réacteurs du bassin de Loire évaporent l’équivalent de plus de 500 piscines olympiques par jour puisqu’un réacteur nucléaire évapore 1m3/s soit 86 400 m3/jour.
En période de bas étiage (environ 50mcubes/s) , les 14 réacteurs évaporent plus de 25% de la ressource en eau.
La pollution par infiltrations des résidus des anciennes mines d’uranium
On peut prendre l’exemple de quatre anciens sites miniers du nord du département des Deux-Sèvres, qui sont traversés par des petits cours d’eau. Ceux-ci se déversent dans la Sèvre nantaise, qui elle même se jette dans la Loire. Or, les nappes et les cours d’eau sont, pour beaucoup, contaminés par les résidus miniers toujours radioactifs.
En conclusion
La filière de l’industrie nucléaire minimise, voire occulte, tous ces impacts qui, depuis 40 ans sur certains sites (Dampierre, Saint-Laurent, Chinon), 30 ans ou un peu moins sur d’autres, se cumulent.
Aucune enquête épidémiologique sur les conséquences de cette industrie sur les populations riveraines, humains et non-humains, n’existe.
De plus, ces sites vieillissent... Tandis que, pour un certain nombre, de graves défauts de maintenance sont patents, comme à Civaux ou à Belleville, qui a été placé en surveillance renforcée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
La Loire a ainsi été transformée en grand collecteur de déchets nucléaires, il faut que cela cesse. Quelles en sont et seront les conséquences sur les humains, la faune et la flore de la Loire et de son bassin versant ?