Patriarcat, pro-féminisme et non-mixité : réaction à propos de « Remuer notre merde »

Réaction de Lizzie Crowdagger à propos d’un site intitulé "Remuer notre merde" et pour complexifier la réflexion sur l’anti-sexisme et le "pro-féminisme".

Il y a quelques temps, j’avais écrit un article sobrement intitulé La non-mixité de dominants, c’est caca, qui s’attaquait notamment à la plaie des groupes non mixtes de mecs « proféministes » (je vous suggère d’ailleurs de lire cet article de Lamia, intitulé Homme proféministe : un oxymore).

J’ai eu le plaisir que ce texte soit un peu diffusé, notamment, et avec mon autorisation, dans le numéro deux de Suck My Glock !. Récemment, j’ai aussi découvert qu’il était diffusé par un autre site, Remuer notre merde, et, soyons honnête, ça m’a plus posé des questions que vraiment mise en joie.

Le site se présente de la façon suivante (je ne mets pas toute la description) :

Nous sommes des personnes nées avec des caractéristiques physiques masculines et donc éduqués et socialisés comme hommes et oppresseurs, plus ou moins conscients de profiter et de participer à la société patriarcale.

On notera déjà le côté passablement essentialiste du truc, et on n’ose pas trop demander à ces « camarades pro-féministes » [1] comment ils considèrent les meufs trans (mais en même temps, leur avis on s’en tape un peu, il faut bien dire), ni les mecs trans d’ailleurs.

Mais au-delà, la première question que je me pose c’est : OK, Morrays, si vous reprenez mon texte c’est, j’imagine, que vous l’avez lu et que vous le trouvez intéressant, donc pourquoi vous continuez à faire de la non-mixité entre mecs ? Vous savez pas lire ou alors vous avez conscience que c’est de la merde mais vous le faites quand même, ce qui, dans le jargon du milieu, fait de vous des ennemis politiques ?

Le deuxième point, qui n’est pas négligeable, c’est que je n’ai pas donné l’autorisation à ce groupe de diffuser ce texte et qu’ils n’ont même pas eu la décence de foutre un lien vers l’endroit où ils l’avaient pompé. Bon, soyons claire, je ne suis pas hyper au taquet sur la propriété intellectuelle dans le cadre de textes militants [2], maintenant ce qui me fait chier [3] c’est que ce site a, ces derniers jours, bénéficié d’une publicité assez large sur des réseaux d’informations alternatifs (Paris Luttes Infos, Rebellyon, Indymedia Nantes par exemple) et que ça ressemble quand même furieusement à l’appropriation du travail des meufs par des mecs, surtout quand t’es même pas foutu de faire un lien pour dire d’où vient le texte. Faudrait quand même pas que les gens aillent directement lire des sites tenus par des meufs, ouh la.

Bref, petit message aux pro-fems : j’attends pas de vous que vous « remuiez votre merde », comme vous dites, ce qui serait cool c’est que vous arrêtiez d’en faire.

L’intégralité du texte de Lizzie Crowdagger est à lire sur le site Lacets rouges et vernis noir.

Notes

[1Regarde-toi, ah ah ah, regarde-toi ah ah ah

[2Petit point juridique, cela dit : en acceptant qu’il soit diffusé dans Suck My Glock ! j’ai accepté que ce texte soit mis en license Creative Commons, mais autre que pour moi ça visait à permettre la reproduction du zine dans son intégralité et celle articles spécifiques (quoique ça se discute), nulle part n’est faite mention de cette licence sur leur site, donc ils ne se basent pas là-dessus pour l’avoir copié ou, s’ils le font, ils sont quand même en tort puisqu’ils ne respectent pas les conditions.

[3Outre le principe d’être diffusé sur un site non-mixte mecs pour faire la caution « regardez on réfléchit quand même à notre non-mixité, mais bon on la maintient quand même même si on a conscience que c’est de la merde », cela dit c’est vrai que c’est dans le nom du site.