C’est le syndicat SUD éducation 45 qui a donné l’alerte il y a quelque semaines, en découvrant que la fondation « Espérance Banlieues » cherchait à recruter un directeur d’école [1] pour l’ouverture à la rentrée 2017 d’un de ses établissements à Orléans. Cette fondation tente de développer des écoles privées « hors contrat » (c’est-à-dire sans contrat avec l’État, donc totalement libre de leurs enseignements), ouvertement en opposition à l’école publique jugée trop égalitariste et pas assez soucieuse des bons élèves de banlieue. Son créneau est celui de « la lutte contre le décrochage scolaire » et « l’intégration des enfants de l’immigration ». Le tout teinté de pittoresque, comme le port de l’uniforme, le salut au drapeau, et avec une bonne couverture médiatique.
Derrière cette façade se cache en fait un modèle éducatif très traditionnel, aux pratiques autoritaires et paternalistes, avec une bonne teinte de nationalisme et de vraies valeurs françaises. Soutenue par « Sens commun », un courant issu de la Manif pour tous, elle est proche de la « Fondation pour l’École » d’Anne Coffinier, et surtout elle représente pour François Fillon un remède face à l’échec scolaire et une nouvelle offre éducative que l’État se devra d’aider [2]. Et c’est largement toute la droite réac qui est séduite : ainsi il y a peu encore Baroin et Wauquiez ne trouvaient pas mieux que de renouveler leur soutien à Fillon précisément... à l’occasion de la visite d’une école Espérance Banlieues de la banlieue lyonnaise [3]. Et largement soutenu aussi sur les réseaux sociaux par tous les comptes proches de la droite la plus réactionnaire.
Si l’on en croit les publications d’Espérance Banlieues, un autre de ses établissements devrait ouvrir prochainement aussi à Tours, sous couvert d’une association dont les statuts ont été déposés en septembre dernier [4].
La polémique autour de ces ouvertures gonfle d’autant plus qu’elles ne se font pas sans l’appui des collectivités locales. Ainsi la ville d’Orléans se déclare prête à jouer un rôle de facilitateur pour le projet si l’on en croit France Bleu Orléans même si il demeure impossible pour les collectivités locales de financer directement les nouvelles institutions ainsi créées (contrairement aux écoles privées sous contrat [5]). Mais les subventions aux associations, elles, restent toujours possibles...
Quant aux activités pédagogiques et aux programmes scolaires suivis dans ces écoles hors contrat, les premières observations faites dans l’académie de Versailles restent époustouflantes. Selon une note d’analyse de l’Inspection de l’Éducation nationale — qui concerne l’ensemble des écoles hors contrat de l’académie de Versailles, et pas seulement celles ouvertes par Espérance Banlieues —, des pans entiers de connaissances sont oubliés en Histoire ou en SVT. Il s’agit plus de conditionnement que d’apprentissage... Et les manuels utilisés auraient quelques défauts d’utilisation, comme ce livre de SVT dans lequel « les pages sur la contraception collées entre elles », ou ce livre d’histoire qui explique que « Pétain a sauvé la France » alors que « des ingrats [les résistants] ont fui en Angleterre ». Tout un programme, en effet...