« Nous figurons parmi les universités les plus sous-dotées de France »

À l’occasion de sa réunion du 18 janvier 2021, le conseil d’administration de l’université de Tours a tenté d’alerter le ministère de l’enseignement supérieur sur « la situation en constante dégradation » de l’établissement, liée à un sous-financement chronique. Nous reproduisons ci-dessous l’essentiel de la motion adoptée à l’unanimité.

« Depuis 2015, nos effectifs étudiants n’ont cessé d’augmenter, passant de 26 159 à près de 31 900 à la rentrée 2020, alors que nos moyens humains et financiers sont restés stables sur cette même période. Pourtant, dès 2014, le ministère reconnaissait que notre université souffrait d’un sous-encadrement chronique de 191 emplois.

Notre subvention pour charges de service public (SCSP) a, quant à elle, connu certes une augmentation sensible sur cette même période, mais ces crédits supplémentaires étaient destinés à financer, pour l’essentiel, des dépenses obligatoires et n’ont pas permis de dégager de nouvelles marges de manoeuvre. Bien au contraire, cela a conduit (...) à réduire de manière importante des postes pérennes, tant du côté des enseignants-chercheurs que des personnels Biatss où le recours aux CDD est devenu la règle. Cela rend dès lors difficile la mobilisation des moyens afin de répondre tout particulièrement aux urgences visant à combattre les précarités alimentaires, numériques, sociales ou psychologiques, exacerbées par la crise sanitaire, que ce soit pour nos étudiants ou pour nos personnels. [...]

Aujourd’hui, nous figurons parmi les universités les plus sous-dotées de France. Le ratio SCSP/étudiants s’est encore dégradé avec les augmentations imposées des capacités d’accueil qui, même si elles sont sociétalement impératives pour ne pas laisser de jeunes bacheliers sans formation, n’ont été compensées qu’à hauteur de 1 600 euros par étudiant seulement. Ce ratio atteint donc en 2020 le montant de 5 034 euros par étudiant contre 5 348 euros en 2019 et 5 943 euros en 2015. À titre de comparaison, des universités similaires à la nôtre affichent un ratio de l’ordre de 7 300 euros. Pour retrouver notre ratio de 2015, il faudrait une dotation supplémentaire de 19 millions d’euros.

L’augmentation du nombre d’étudiants, l’absence de revalorisation significative de nos moyens et les nouvelles missions qui nous sont imposées (l’accompagnement social et psychologique si légitime de nos étudiants en ces temps de pandémie, la réforme des études de santé et celle des BUT) ne nous permettent plus ni d’assurer nos fonctions d’enseignement et de recherche, ni d’accueillir les étudiants dans de bonnes conditions et dans le respect des règles de sécurité. Nos locaux sont par exemple conçus pour accueillir 25 000 étudiants et non 32 000 comme aujourd’hui. [...]

Le conseil d’administration demande donc une revalorisation substantielle de la SCSP de l’université de Tours, accompagnée de créations d’emplois, afin de ne pas obérer la capacité de notre établissement à remplir les missions de service public qui nous incombent et auxquelles chacun·e d’entre nous reste très attaché·e. » [1]

Une motion relayée à l’Assemblée

Le 2 mars, à l’assemblée nationale, le député LREM Daniel Labaronne a relayé auprès de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche les préoccupations du conseil d’administration au travers d’une question orale. La réponse de Frédéric Vidal est assez édifiante : alors que les moyens supplémentaires réclamés par l’université pour fonctionner dans des conditions correctes se chiffrent en dizaines de millions d’euros, elle évoque des financements liés à divers projets de recherche qui ne dépassent pas 4 millions d’euros. Elle assure également qu’en 2021,« l’université de Tours bénéficiera de soutiens financiers complémentaires importants en application de la loi de programmation de la recherche ».

Mais ces soutiens financiers complémentaires promis en application de la LPR 2021-2030, promulguée le 24 décembre 2020, ne sont pas chiffrés. Un flou qui semble confirmer les craintes exprimées par l’ensemble de la communauté universitaire concernant les effets de cette loi. Dans une note publiée en septembre 2020, le collectif des Économistes atterrés expliquait que« l’augmentation du budget promise [était] largement surestimée et ne [correspondait] pas dans son ensemble à des financements pérennes ». Ces craintes n’ont pas empêchées Daniel Labaronne, qui fait mine de se préoccuper de la situation financière de l’université de Tours, de voter en faveur de la loi lors du scrutin du 17 novembre 2020.

Notes

[1L’intégralité de la motion est à retrouver ici.